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"On vous attend" : notes sur les Gilets jaunes, par Dimitris Alexakis

Débats | Ce mouvement horizontal et décentralisé ne coïncide avec lui-même ni dans l’espace ni dans le temps. Ses lignes ne cessent de bouger. Les artistes en sont absents, regrette Gérard Noiriel, mais il est à lui seul un gigantesque work in progress et, comme le mouvement des places, obéit intuitivement aux principes de l’improvisation. Le besoin d’appréhender toute mobilisation comme une totalité finie, à la signification univoque, est mis en échec et a conduit nombre de militant.e.s ou sympathisant.e.s de gauche à attribuer au tout la caractéristique (antisémite, islamophobe, sexiste) d’une partie, tout en appliquant à ce mouvement protéiforme une grille de lecture héritée des formes de mobilisation centralisées et / ou organisées autour d’éléments de langage relativement invariables.

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La représentation frénétique de l'information nous affole, par Nilda Fernandez

Prise de parole | Difficile dans cette pollution des mots, de se comprendre soi-même. Chaque fois que je me mets au clavier pour tenter de savoir quoi dire d'utile, de tranquille, de subtil, de juste, je me trouve face à un mur (presque) infranchissable. Nous sommes en overdose de paroles étourdissantes. Nous n'en pouvons plus de micros qui se tendent, de caméras sous le nez, de questions, des réponses, d'arguments, de polémiques.

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Dylan, Marseille, sans être là. Par Arnaud Maïsetti

Ces dernières semaines, par hasard et fatalité, je me serai donc retrouvé toujours loin de ce proche qui pourtant me bouleverse tant : quand les foules se rassemblent devant les Hôtels de ville, quand elles demandent des comptes et reçoivent des coups, quand il faut se protéger le visage, quand il faut quand même marcher, quand il faut agir de concert, sentir les mouvements et percevoir les dangers, user de cette intelligence collective des foules qui savent que le monde est l’espace que recouvrent ses pieds, et que ses pieds sont mille, j’aurai donc été, quelle faute, loin, cette fois.

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Gilets jaunes : ne croyez pas la télé!

André Gunthert | Comme mes amis photographes sur Facebook, aimantés par le pittoresque des situations d’affrontement et par la rassurante identification d’une figure connue – l’apocalypse sur fond d’incendie –, l’information privilégie le schéma des violences émeutières, aplatissant l’intelligence et la nouveauté du mouvement par l’imposition du filtre de la casse. Pas étonnant qu’une mobilisation qui refuse toute médiation soit si mal traitée par les médiateurs professionnels, qui sont en réalité aussi dépassés que la police par les caractères inédits de l’action.

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Marseille | La Plaine emmurée vivante

Arnaud Maïsetti | Sur la Place Jean Jaurès, ils ont donc construit ce mur, qui entoure – protège ? – les travaux, et lève symboliquement le mur parfait du mépris et de la violence entre ceux qui vivent ici et ceux qui démolissent en prétendant rebâtir. Y a-t-il symbole plus bête ou plus insultant ? Évidemment, ce mur est une provocation : évidemment, il fallait bien céder à cette tentation.

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On n’a pas fini de se moquer des pauvres

André Gunthert | A l’instar de nombreux éditorialistes, le mouvement des gilets jaunes a inspiré à Gorce une incompréhension et une raillerie mordante. L’épithète d’«abrutis» franchit un seuil de virulence rarement observé dans la presse des classes supérieures (son emploi récent par Jean-Luc Mélenchon pour qualifier des journalistes avait suscité à juste titre une protestation unanime de la profession). Pour qu’un observateur attentif de l’actualité se sente autorisé à exprimer un jugement aussi disqualifiant, il faut que le groupe concerné soit perçu comme responsable d’une action particulièrement déshonorante. Aux yeux de l’avant-garde éco-responsable, le refus de la hausse de la fiscalité du diesel constitue un crime contre le progrès et un défaut de prise de conscience qui justifient un traitement dégradant.

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La maison jaune, par André Markowicz

André Markowicz | Pris que j’étais dans mes affres soljetnitsesques, — et, réellement, il y a là un silence qui fait peur, — je n'avais pas trop fait attention aux « gilets jaunes », et, là, regardant les vidéos, voyant le nombre, — stupéfiant — de blessés (plus de 400 ?), lisant les témoignages sur la violence, homophobe, raciste, qui surgit là, à fleur de peau, on pourrait croire pour rien, de la part de gens qui sont censés protester contre des taxes sur l’essence, je me dis que j’ai tort, évidemment, de m’étonner.
* Voir les dernières chroniques sur Alexandre Soljenitsyine

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Marseille : l’effondrement des murs de la ville

Arnaud Maïsetti | Dans l’effondrement du soir, il y a une autre leçon. Nous vivons vraiment dans un monde qui s’effondre, et qui produit lui-même les conditions de son effondrement. Les hommes et les femmes sur qui s’effondre ce monde ne réclament ni un poème ni un tombeau, mais qu’on ne leur crache pas dessus comme de leur vivant. Qu’à l’ignorance succède ce que la rage sait parfois lever : l’organisation des colères, le renversement des forces. Ce sont des jours sales, infâmes et qui font honte : que la honte change de camp.

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Ah l'amour ! feuilleton politique (1)

Christian Perrot | La diffusion moderne de l'information condamne les média chauds à courir après le buzz, - le plus souvent venu des confins de l'internet -, pour l'amplifier jusqu'au tintamarre (le chien de Macron, la phrase de Mélenchon etc) et les chaînes d'info à "occuper l'antenne" comme on occupe son temps, en multipliant les plateaux entre une petite centaine de "détenteurs certifiés de la parole publique", et les derniers média froids - les quotidiens imprimés - à répéter ce que nous savons depuis la veille. Ce feuilleton politique essaie de trouver d'autres distances face à l'actualité.

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Le vieux tronc et l'odeur. Mémoire et symboles ukrainiens, par André Markowicz

André Markowicz | Il y a, quand je regarde les médias officiels russes, une montée de la haine envers l'Ukraine. Les insultes constantes, les menaces, la guerre — ouverte ou larvée — au Donbass, et, finalement, partout. Et comme je serais heureux de soutenir les Ukrainiens contre Poutine. Mais voilà, il y a cette photo. Cette photo, je l'ai vue sur un site russe, et je me suis dit que c'était un montage, une provocation. — C'est l'emblème des services de la sécurité intérieure de l'Ukraine… Et comment se fait-il qu'elle soit là, cette croix ? — Qu'ils (les services ukrainiens, et donc l'Etat ukrainien) aient pris précisément ce symbole-là ? Est-ce qu'ils sont des nazis ? — Bien sûr que non. C'est, en quelque sorte, que, pour eux, ce n'est pas grave.

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