La Ville écrite | faites la révolution (pour deux mille euros)

artoff2287.jpg

Jusqu’à deux mille euros (au-delà, ce doit être comme dans les cartes anciennes : le gouffre, le vide libéral, les monstres aux mains invisibles) – jusqu’à deux mille euros, cela veut peut-être dire qu’on peut recevoir un euro (c’est entre zéro et deux mille) pour une œuvre commise au nom de la révolution.

Le jour où la révolution était devenu un thème, on aurait dû se méfier. L’injonction politique faisait du politique une image à colorier (en suivant les traits et sans dépasser). Dans un monde où tout est politique, plus rien de ce qui est politique ne l’est plus – les forces du conflit, l’invention des mondes impossibles, les puissances de la contre-histoire. Tout cela n’est plus qu’un vague cahier des charges à remplir.

Ce qui est le plus insultant dans ces affiches, ce n’est pas tant qu’elles émanent des lieux mêmes où il pourrait s’agir d’enseigner l’arme de penser contre le monde, ni qu’elles traduisent tous les mots en slogans, ni même qu’elles fassent du mot révolution la petite notation légendaire d’une jolie explosion de rien dans le vide, ni enfin qu’elles ornent la porte des toilettes du restaurant universitaire – ce serait peut-être le fait qu’elles n’aient pas encore été arrachées.

Jusqu’à deux mille euros, et de nombreuses récompenses – le point d’exclamation, il faudrait le prendre et en faire une lance.

Arnaud Maïsetti, le 3 février 2019

img_5404.jpg

Arnaud Maïsetti vit et écrit entre Paris et Marseille, où il enseigne le théâtre à l'université d'Aix-Marseille. Vous pouvez le retrouver sur son site Arnaud Maïsetti | CarnetsFacebook et Twitter @amaisetti.