Sotchi, du passé faisons table rase
Dernière carte postale du voyage dans les villes hôtes de la Coupe du monde, Sotchi fait table rase de son glorieux passé en faveur des plus riches d’aujourd’hui. Ses paysages et une certaine nostalgie lui donnent cependant un charme unique en Russie.
Sotchi, c’est peut-être la raison pour laquelle j’ai entrepris ce voyage. En somme, Sotchi était un rêve et j’en avais un peu honte. Lorsque j’ai découvert le Sochi Project, qui documentait de façon brillante avant les Jeux olympiques de 2014 le développement de la région, je me suis mis à rêver d’atteindre, un jour, cette Floride russe. Dans le désordre, les investissements oligarchiques, les montagnes enneigées, le soleil brillant, une certaine culture du sud, les sanatoriums communistes – tout ça m’inspirait.
Depuis son rajeunissement des Jeux olympiques de 2014, Sotchi ne semble avoir cure de la Coupe du monde – puisqu’elle vit très bien du tourisme (de cure...). Il aurait fallu la faire en automne ou en hiver, cette Coupe du monde – le bruit court qu’à cette époque, certains hôtels de la côte vont jusqu’à baisser leurs prix aux alentours de 300 roubles, soit sous la barre des cinq euros, petit déjeuner compris.
La véritable championne, c’est Adler - Ce serait notamment le cas à Adler, à une trentaine de kilomètres de Sotchi. C’est ici que l’on trouve le Parc olympique. Écrasées par le soleil et baignées par la mer Noire, les installations sportives ne semblent pas avoir trop mal vieilli ; à l’exception de la tête de tortue du stade Ficht, dont les écailles menacent de tomber. Pour y recevoir des rencontres de football, il a fallu allouer dans les 50 millions de dollars. Comparé aux constructions à plus 200 millions dans les autres villes, cela paraît peu – mais quand même. Sur le bord de mer, il y a affluence, les galets supportent les vacanciers profitant de leur long week-end du jour (férié) de la Russie. Faute, peut-être, de pouvoir se payer le Sochi Park (le Disneyland local, situé dans le Parc olympique) à 20 euros, des enfants plongent devant le stade.
C’est par Adler qu’on accède à Krasnaïa Poliana. Une toute nouvelle ligne de train ainsi qu’une nouvelle route et l’aménagement de l’ancienne ont été entrepris pour les JO. C’est imposant, ça rappelle des monarchies pétrolières. À moins que... Krasnaïa Poliana, c’est la station de ski construite pour les Jeux olympiques. Avant, ici, il n’y avait rien ou presque. Plusieurs domaines skiables peu abordables pour la grande majorité des Russes se partagent maintenant le marché, et un casino peut fanfaronner être l’un des seuls de Russie (la plupart d’entre eux ayant été interdits en 2009). Pour le
reste, il suffit de regarder de partout le paysage : c’est beau, très beau.
Regagner la côte, passer devant l’aéroport d’Adler (de facto, de Sotchi), rouler en direction de la grande ville, c’est se rendre compte que Sotchi est une voleuse. Pour les Jeux olympiques, il n’y avait rien à Sotchi. Pour la Coupe du monde, pareil – pardon, une Fan zone est mise en place… la pire de toutes les villes visitées, laissant, pour ceux qui veulent gagner la mer sans passer par ladite zone, un passage d’une largeur ridicule ; espérons qu’il n’y ait pas de mouvement de foule.
Pourquoi, alors, Sotchi 2014 et 2018 ? Parce que la région où se trouvent les installations sportives s’appelle le Grand Sotchi. Hors de question, donc, de laisser la gloire aux autres. Or, Sotchi ne sait se satisfaire de son glorieux passé. De la fin du XIXe siècle à la décision communiste d’en faire une ville pour le repos des travailleurs et à l’exploitation de nombreux sanatoriums, il y a pourtant de quoi faire – et les foules sur les plages ne démentent pas le succès attractif de la commune. Dès lors, difficile de comprendre la fermeture du magnifique complexe Ordjonikidze. Fermé en 2010, le domaine du sanatorium n’est plus qu’un lieu de promenades, et son funiculaire ne dessert plus la mer.
Maxence Peniguet le 18/06/18