Hébron, Exarcheia, une journée dans la vie de ceux qui résistent
L’Autre Quotidien vous fait suivre désormais l’actualité des luttes sociales dans le monde en collaboration avec Teleia., créé en juin 2019. Teleia c'est le point en grec ! Une page militante qui refuse la pensée formatée pour combattre sans faille les injustices, les discriminations raciales, sexistes, sociales... Parce que c'est par les connexions individuelles et collectives que nous avancerons vers ce monde que nous rêvons !
Récit d’une journée ordinaire, à Hebron
Le jour de ma rencontre avec elles, quelques unes étaient parties pendant le cours, je m'étais dit que c’était nouveau pour elles et que c’était normal qu’elles s’impatientent.
J’avais oublié que s'il y a bien une coutume en Palestine avec laquelle il ne faut pas rigoler,c’est l’hospitalité.
Je ne parle pas leur langue, elles ne parlent pas la mienne mais j’ai bien reçu leur message de « bienvenue » quand les quelques unes qui avaient quitté le cours sont remontées, m’ont fait m’asseoir, et sont rentrées en file indienne avec à peu près 6 plats différents !
Après cette cérémonie, nous avons partagé plusieurs cafés, et j’ai pu prendre cette photo qui illustre bien l’atmosphère que j’ai ressentie.
Passé ce moment de partage plutôt joyeux, nous sortons du centre et là, la lourdeur de la ville d’Hebron, jusqu’ici presque oubliée nous retombe dessus comme un pavé.
Les soldats israéliens aussi doux que des bouledogues enragés, nous demandent ( ou plus précisément nous crient ) « Quelle est votre religion ?! Quelle est votre religion ?! »
Je bafouille que je suis chrétienne car il ne comprendraient pas que je leur dise que je n’ai pas vraiment de religion, mais mon hésitation et mon visage ne leur plaisent pas.
Alors commence toute une cérémonie d’intimidation, on me prend mon passeport, ils lisent à plusieurs mes prénoms, mon adresse, mon lieu de naissance à haute voix, se font des blagues entre eux, s’approchent, puis reculent, me redemandent si je suis bien certaine de ne pas être musulmane? Si je suis vraiment "française, car mon visage ne fait pas très français "
Cette scène durera environ cinq minutes, cinq minutes où ils me font payer le fait d’être une étrangère qui vient faire “ils ne savent pas trop quoi” avec des femmes musulmanes.
Cinq minutes où je n’ose pas regarder leurs armes qu’ils portent un peu partout sur leur corps.
Une fois cette mascarade terminée, je suis donc libre de marcher dans la zone interdite aux palestiniens en plein centre ville pour me retrouver 50 mètres plus loin, juste là, devant.
Pendant ce temps là, les femmes et la professeur qui sont palestiniennes n’ont pas essayé comme moi de marcher de ce point jusqu’à leurs habitations qui sont pourtant à portée de vue, mais sont obligées par ce qu’on a appelé dans d’autres pays, à d’autres époques, un apartheid, ( la question est : pourquoi n’est ce plus d’actualité ?) de faire un détour d’environ 800 mètres pour contourner la zone à laquelle elles n’ont pas accès, de par leur religion et origine.
Mes cinq minutes inconfortables ne SONT RIEN comparées à ce qu’endurent palestiniens et palestiniennes chaque jour, fouilles, humiliations, interdictions de circuler d’une ville à une autre, d’un trottoir à un autre, heures d’attentes interminables à chaque checkpoint ( je reviendrai sur ça ) arrestations arbitraires de l’armée, emprisonnement, gaz lacrymogène, meurtres...
La ville d’Hebron est particulièrement sensible car les colonies y sont installées DANS la ville et non pas autour comme dans la plupart de ce qu’ils appellent « territoires palestiniens ».
Les colons qui y résident sont les personnes les plus extrêmes dans leur haine envers les musulmans et se baladent quasiment tous armés.
Ambiance.
Les habitants de la vieille ville, qui est faite de petites ruelles ont dû mettre des grillages et « plafonner» tant bien que mal cet endroit, puisque les habitations des colons sont en hauteur et ils jettent constamment des pierres, des déchets...sur les palestiniens puisque depuis leurs fenêtres, c’est plus amusant.
Voilà, c’était mon récit d’une de mes journées des plus calmes à Hebron.
Je terminerai sur la sage parole de Nelson Mandela :
“Our freedom is incomplete without
the freedom of the Palestinians”
Shanti, pour Teleia.
La relève à Exarcheia, Athènes
Au nord-ouest d'Exarcheia, j'entends la relève d'un des postes de surveillance des flics qui se rapproche du Notara 26. En bas du squat de réfugié.es/migrant.es, notre groupe de garde revient à l'intérieur et ferme les portes. Pendant ce temps, je monte discrètement à l'étage pour épier les conversations des flics et je filme avec mon téléphone :
— Et ce squat aussi ?
— Oui, ce squat aussi !
— L'heure va arriver !
Et d'autres répètent aussitôt :
— Enfin, l'heure va arriver !
Le dernier flic à passer, voyant le rez-de-chaussée du Notara 26 calme dans l'obscurité, ajoute :
— Ils devraient faire leur relève, eux aussi !
L'heure va arriver, paraît-il. Oui, l'heure pour les flics de quitter le quartier.
BILAN DU G7 PAR LE COLLECTIF ANTI REP
pour soutenir : https://bit.ly/antirepG7
Pas loin de 160 interpellations ont eu lieu durant ces quelques jours de contre-sommet. Une centaine de gardes à vue, traitées dans les comissariats de Bayonne et de Hendaye; la dernière a été levée vers 19h30 lundi 26. Plus d’une vingtaine ont reçu des convocations pour des procès ultérieurs, programmés pour septembre ou octobre prochain. Le collectif a suivi de près une centaine de cas.
Plus grave, lundi, la legal team a appris la mise sous écrou d’une cinquième personne. Dans les mêmes conditions qu’un autre camarade samedi : sur simple décision du procureur, sans procès et sans possibilité de faire appel. Alors que plus tôt, trois camarades allemands ont été mis au trou de manière scandaleuse. A noter aussi plusieurs interdictions administratives de territoires pour des militants venant du pays basque Sud ou d’autres pays de l’UE, comme le camarade allemand refoulé par deux fois de ce lieu de lutte sur la seule foi de notes de renseignement. Le collectif anti-répression mobilisé pendant ce contre-sommet déplore enfin de nombreuses entraves hallucinantes aux droits de la défense que nous détaillerons plus loin.
Fait presque humiliant pour les hauts gradés du binôme police-justice, aucun procès n’a eu lieu lundi au TGI de Bayonne ! Aucun élément n’a donc été jugé assez déterminant pour envoyer des manifestant-e-s dans le grand spectacle de la justice de classe, les comparutions immédiates. Avant le sommet, il faut rappeler que les autorités avaient communiqué à fond sur un arsenal de répression hors du commun : forces de police estimées à 13.000 dans tout le périmètre, un centre de rétention vidé et converti en lieu d’interrogatoires, des flics OPJ venus de toute la France en « renfort » pour assurer les auditions, trois salles du palais de Justice de Bayonne réquisitionnées pour juger H24 les prévenu-e-s en comparution immédiates, et enfin une escouade de commis d’office embrigadés par le bâtonnier de Bayonne à qui on avait promis au moins 300 Gav par jour pour arrondir les fins de mois… Une indic infiltrée a même été débusquée sur le campement d’Urrugne — précisons, pour faire taire de sales rumeurs, que cette personne n’a jamais été, de près ou de loin, en relation avec notre collectif — alors que des témoins racontent avoir été approchés pour servir de mouchard à leur sortie de garde à vue… Grands moyens, pauvre bilan. La préfecture a même surestimé la mobilisation de la manif du samedi 24 à Hendaye, en matraquant le chiffre de 9000 (15000 pour les « orgas »), de loin exagérée, comme pour justifier le dispositif sécuritaire déployé.
Bilan chiffré plus précis:
Les interpellations ont quasiment toutes été préventives, suite à des fouilles de sac ou de voitures, pour des motifs fallacieux, avec ou pas d’éléments matériels (groupement en vue de…, attroupement malgré sommation, ports d’armes divers, quelques outrages…), malgré les engagements des autorités à n’arrêter personne de manière préventive.
Les GAV ont été quasiment toutes prolongées de 24h. En sachant que la plupart des arrestations a eu lieu à partir de vendredi, cette astuce de procédure revient à interdire les gens de manifester, puisque leur sortie n’était pas possible avant dimanche soir ou lundi.
La grande majorité des GAV s’est soldée par des remises en liberté simple ou avec un « rappel à la loi » (qui signifie un abandon des poursuites mais qui implique une inscription dans un fichier policier, dont la trace peut ressurgir lors de la moindre prochaine infraction).
Le collectif a eu connaissance de 23 convocations pour des procès ultérieurs, à Dax ou à Bayonne, dans les semaines qui viennent (9, 20, 25 septembre, 1er, 11 octobre et 3 décembre).
Six personnes à notre connaissance ont été emprisonnées : les trois qui venaient d’Allemagne, qui n’ont pas pu être défendus par les avocat-e-s du collectif que leurs familles avaient pourtant désigné-e-s et pour lesquels les garanties de représentation que nous avions collectées n’ont pas été présentées par les commis d’office devant le tribunal ; les deux personnes contraintes de purger une ancienne peine sans pouvoir faire appel ; et enfin une autre qui est restée en détention provisoire de jeudi à lundi en attente de sa comparution à Dax — elle est sortie de détention lundi 26, placée sous contrôle judiciaire avec un camarade arrêté le même jour, jusqu’à leur procès le 9 septembre.
Le collectif va suivre ces dossiers avec ses avocat-e-s, faire marcher la solidarité avec les prisonniers et organiser avec les prévenu-e-s une défense collective. Pour la seule journée du 20 septembre, il y aura 12 procès à Bayonne et notre collectif appelle à lancer partout des actions de solidarité et de soutien pour alimenter la caisse collective (lien à faire circuler: ici: https://bit.ly/antirepG7)
Dans l’ensemble, toute personne qui osait trainer dans le périmètre du sommet était susceptible de subir une privation de liberté, après des contrôles routiers, des contrôles et des fouilles, lors d’arrestations parfois brutales autour du campement de Urrugne, en marge des quelques rassemblements non déclarés qui ont émaillé la semaine, ou encore à Bayonne, dimanche, ou à la gare de Hendaye lundi, lors de provocations policières ou de faux prétextes destinés à faire encore plus de chiffre…
Plusieurs cas affligeants ont été constatés par notre collectif sur la gestion de l’ordre de ces quelques jours de contre-sommet. Liste non exhaustive :
Un OPJ propose à un gendarme mobile de prêter serment afin qu’il serve d’interprète pour les auditions de ressortissants espagnols. Erreur de débutant : ce mélange des genres est bien entendu hors procédure, et tous les actes établis dans ces conditions peuvent être annulés.
Certains PV d’interpellations étaient rédigés de telle manière que les prévenus n’avaient aucun moyen de connaître la raison exacte de leur privation de liberté ; dans la case « motif », des flics zélés ont rempli des codes dits « NATINF » (nature de l’infraction), sans jamais traduire le code en langage naturel (ça doit être ça la « police algorithmique »). Ne pas savoir pourquoi on vous arrête c’est le premier degré du procès inéquitable.
Les locaux du CRA de Hendaye, aménagés pour gérer en masse les gardes à vue, n’ont pas été aménagés dans les règles. Les pièces où s’entretenaient avocat.e.s et prévenu.e.s ne fermaient pas, ce qui remet en question la confidentialité des échanges ; tout acte établi dans ces conditions devrait, en théorie, être annulé.
En garde à vue chacun-e est en droit de choisir son avocat, ou de ne pas en choisir; cet-te avocat-e peut se faire substituer à tout moment par un-e autre, sans que ni le bâtonnier du lieu, ni le procureur ne puisse imposer des commis d’office. Or durant quatre jours, sur ordre du proc, les OPJ ont multiplié les prétextes débiles pour imposer l’un-e des quelques 70 avocat-e-s recruté-e-s à la dernière minute par le Bâtonnier au titre de la commission d’office. Dès que les personnes désignaient les avocat.e.s du collectif, les flics faisaient croire à une indisponibilité imaginaire, et qu’en cas d’insistance personne ne serait défendu-e. La legal team a obtenu de nombreux témoignages précis de ces entraves délibérées.
Le bâtonnier Teddy Vermote, qui se fait mousser dans la presse comme chevalier blanc des personnes interpellées, a joué dans ce cirque un rôle déterminant, prenant ses consignes en ligne directe avec le procureur de Bayonne et même, au dessus, avec le parquet général de Pau.
Le collectif antirep ne va pas s’appesantir sur le fond à propos de ces entraves de procédures. C’est toutefois le signe qu’un travail collectif, contruit de manière autonome pour mettre en échec la machine d’oppression d’Etat, a plus que jamais du sens. Le collectif antirep du contre-sommet s’est en effet constitué de manière autonome aux organisations regroupées dans les plateformes G7EZ et Alternative G7. Avec comme principal objectif de s’organiser pour ne laisser personne isolé-e face aux flics, aux juges et aux matons. Nous nous sommes entendus avec un groupe d’avocat.e.s sur un ensemble de principes politiques tels que : ne pas collaborer avec les flics en gardant le silence durant la garde à vue et les auditions, ne pas alimenter le travail de la police en refusant fichiers d’empreintes et d’ADN comme l’accès à nos téléphones privés, ne pas balancer ou se dissocier d’autres interpellé-e-s selon leurs modes de lutte, et face à la justice de classe faire jouer la solidarité en lançant des caisses de défense collective. Ce sont ces principes que redoutent nos ennemi-e-s. La rage enchante nos rêves, la solidarité est notre arme. Sachons nous en saisir à tout moment.
Le collection antirépression du contre-sommet du G7