Quand Dorothy Moskowitz revient sous des cieux infinis (under the endless sky)

Que vous n’ayez jamais entendu parler de Terry Riley, de Kraftwerk, des Silver Apples ou même du rock psychédélique avec ses aventures rizhomatiques, n’a que peu d’importance ici. Ce que proposent Dorothy Moskowitz & The United States of Alchemy est à la fois la synthèse et un dépassement du propos, une actualisation de ces sons qui courent entre avant-garde, techno, jazz et musique improvisée depuis les années 70. La musique qui compte. Rien moins.

Avec un album qui fait la synthèse de ses précédentes expériences, Dorothy Moskovotz, 82 ans, se souvient autant des ragas indiens 60’s, du son électronique des United States of America, que de sa participation au groupe de scène 70’s de Country Joe McDonald. Au-delà, et aujourd’hui même, cela s’intitule Under the endless Sky par Dorothy Moskowitz & The United States of Alchemy.

Under An Endless Sky symbolise l'échange qui a eu lieu entre le compositeur électronique Francesco Paolo Paladino, le compositeur et écrivain Luca Chino Ferrari et la légendaire Dorothy Moskowitz, une icône de la culture underground qui a innové en tant que membre du groupe The United States of America. Dirigé par le charismatique compositeur Joseph Byrd, le groupe a sorti son seul album éponyme sur Columbia Records en 1968. Il a acquis un statut mythique qui s'est accru au fil des ans, samplé par Diplo et Mac Miller et largement reconnu comme un classique psychédélique visionnaire. Francesco Paolo Paladino, un compositeur italien d'avant-garde, a contacté Dorothy, l'invitant à chanter sur certaines de ses compositions. Lorsqu'elle a écouté son CD "Barene & Other Works", sorti en 2021, elle a reconnu qu'ils partageaient le même point de vue expérimental et elle a accepté son invitation. Paladino est connu pour ses collaborations avec Martyn Bates, Allison O'Donnell, Simon Fisher Turner et d'autres compositeurs contemporains de renommée mondiale, ainsi que pour son premier disque de 1985, Doublings and Silences Volume 1. Francesco collabore depuis longtemps avec l'écrivain italien Luca Chino Ferrari, auteur de biographies de Nick Drake, Third Ear Band, Captain Beefheart, Tim Buckley et Syd Barrett, entre autres. Il a soumis des textes à Dorothy et ensemble, ils ont entamé une collaboration profonde et unique sur l'adaptation des paroles à la musique, en se penchant sur les mots et les significations, les propriétés phonétiques et la possibilité de les chanter. "Des paroles qui ont l'audace d'aborder des thèmes complexes de l'existence humaine, de vraies coupures philosophiques qui regardent la réalité et la remettent en question, souvent sans offrir de réponses", explique M. Ferrari. La voix extraordinaire de Moskowitz et ses mélodies modales flottent sur les textures musicales magiques de Paladino. Il n'y a pas de guitares, de basses, de batteries ou autres diableries technologiques, mais seulement des sons virtuels (parfois sans même de claviers) sur lesquels se greffent quelques interventions acoustiques : violons et altos, bois et percussions confiés à d'excellents musiciens tels que les Italiens Riccardo Sinigaglia, Angelo Contini, Stefano Scala, le Trio Cavallazzi et Gino Ape, ainsi que le folker anglais Sean Breadin.

Lorsque le groupe pionnier de rock expérimental The United States Of America s'est séparé sans ménagement au printemps 1968, il n'avait qu'un an d'existence - mais son impact était tel que ces douze mois allaient définir la vie de la chanteuse du groupe, Dorothy Moskowitz. "Nous aurions probablement duré deux ou trois ans de plus", déclare Moskowitz, 82 ans, vive et impertinente, sur Zoom depuis sa maison de Piedmont, en Californie. "Il y avait de la nouvelle musique et nous savions comment la diffuser. Nous étions tous devenus plus charismatiques sur scène. Quand nous avons commencé, nous étions assez rigides - des étudiants de l'université de Californie à Los Angeles - mais nous nous sommes beaucoup assouplis".

Pour citer le maître de la pochette d'album et gourou visuel d'AD, D. Norsen : "Dorothy Moskowitz n'est peut-être pas un nom connu de tous, mais elle était musicienne sur deux des albums les plus captivants que je connaisse : Vocal And Instrumental Ragas From South India (1967) sur Folkways et United States of America (1968) sur CBS.". Ca pose un peu la carrure de la dame.

Que vous n’ayez jamais entendu parler de Terry Riley, de Kraftwerk, des Silver Apples ou même du rock psychédélique avec ses aventures rizhomatiques, n’a que peu d’importance ici. Ce que proposent Dorothy Moskowitz & The United States of Alchemy est à la fois la synthèse et un dépassement du propos, une actualisation de ces sons qui courent entre avant-garde, techno, jazz et musique improvisée depuis les années 70. La musique qui compte. Rien moins.

Jean-Pierre Simard le 21/03/2023
Dorothy Moskowitz & The United States of Alchemy - Under the Endless Sky -
Tompkins Square