Ali Farka Touré, le Voyageur
Quand tout le monde - et son frère- adorent Ali Farké Touré qu’ajouter à une vie bien remplie, à une discographie dont les perles sont souvent chez World Circuit ou au fait que Scorsese l’a magistralement filmé dans sa série de 5 DVD sur le blues ? Eh bien, cet opus post-mortem où le maître de la guitare du fleuve Niger vous rallume l’ampli dans les oreilles et vous balance ses étoiles dans les yeux. Convient aux femmes enceintes et aux jours de grève…
"Le nom d'Ali Farka Touré éveille toujours une grande fierté au Mali : au lieu d'acheter des villas en Californie ou sur la Côte-d'Azur, ce qu'il gagne à l'étranger avec sa musique, il l'investit chez lui”, la star du blues mandingue révélée en 1987 par la vague world music, redevenu agriculteur.
D'une élégance princière dans son ample boubou traditionnel, Ali Farka Touré (1939-2006), se souvient avec nonchalance et gravité son enfance, le Mali colonial. Ancien chauffeur routier, jouant de tous les instruments de sa région, et en parlant toutes les langues – songhaï, touareg, peul, dogon -, il a forgé un style distinctif associant guitare, voix et rythmique obsédante frappée sur une calebasse. Niafunké, du nom de son village au nord du Mali, en est le dernier emblème en date, enregistré en 1999 chez lui, dans une magnifique bâtisse de terre qui a servi de studio. Après avoir conquis l'Occident, enregistré avec Taj Mahal (The Source, 1992) et Ry Cooder (Talking Timbuktu, 1994), il est revenu s'occuper des rizières, des vergers et de sa vaste famille. Entre un concert pour l'Unesco à Bamako et la longue route qui mène aux moissons de Niafunké, la vie s'écoule au rythme des embarcations qui circulent sur les eaux majestueuses et nourricières du fleuve Niger. ( Anaïs Prosaic)
Voici donc Voyageur, le nouvel album du regretté chanteur et guitariste malien Ali Farka Touré. Un disque rempli d’inédits de qualité : 17 ans après sa disparition, la musique d’Ali Farka Touré, maître du desert blues, continue d’influencer nombre de musiciens à travers le monde. Ainsi sort donc Voyageur, un nouvel album posthume, le premier depuis l’incroyable Ali and Toumani, sorti en 2010 et récompensé aux Grammy Awards.
Produit par Nick Gold de World Circuit avec Vieux Farka Touré, fils d’Ali, Voyageur comprend également une participation de la chanteuse malienne Oumou Sangaré sur « Bandolobourou », « Sadjona » et « Cherie ». Les neuf morceaux présents sur ce disque reflètent l’engagement passionné du musicien pour la créativité et la diversité culturelle de son pays natal. Témoignage d’une vie passée en mouvement, ce disque navigue entre les scènes du désert de Tombouctou, les studios de West Hollywood, les salles de concert de Londres et de Tokyo, sans oublier les petits villages au bord du fleuve malien, où Ali Farka Touré était connu de tous.
Parmi ces titres, on retrouve « Safari », titre typique d’Ali Farka Touré dans lequel lui et sa guitare djerkel sont soutenus par une calebasse et une flute peul. « Sambadio » est présent en deux versions : l’une acoustique, à écouter au coin du feu, l’autre électrique, comprenant notamment une participation au saxophone de Pee Wee Ellis, connu pour ses collaborations avec James Brown. N’oublions pas non plus le morceau traditionel « Sadjona », initialement aux chasseurs wassoulou avant qu’Oumou Sangaré rende hommage au musicien.
Nick Gold décrit ces titres comme des « archives précieuses et privées ». Elles lui ont été révélées avec parcimonie, parfois à contrecœur, sur une période de 25 ans. Ali Farka Touré savait exactement ce qu’il faisait. Il a donc progressivement transmis ces titres au producteur. Ainsi, elles atteindraient un jour, un public mondial. Cependant, le musicien aimait garder les choses sur le fil du rasoir. Plusieurs de ces chansons ont donc été diffusées de manière spontanée entre des prises studios et ont été enregistrées sur le vif. Et, le résultat devant vos oreilles esbaudies est , à la hauteur de l’attente, juste parfait !
Jean-Pierre Simard le 21/03/2023
Ali Farké Touré - Voyageur - World Circuit