Magne-toi ou les aventureux amants d'Hérouville

Coup de cœur de la semaine ! S’il est bien un endroit en France qui caractérise les envolées des 70’s, à la fois musicales, fêtardes et festivalières, c’est le château d’Hérouville appartenant à Michel Magne ; haut de lieu de fête et de conception essentiel au développement des innovations musicales de la décennie, révélant Elton John, Bowie, le Grateful Dead et bien d’autres. Histoire et roman graphique à la clef.

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C’est donc l’histoire et la chute dune famille et d’un lieu qui voyaient tellement loin et grand qu’il a révolutionné la façon de faire de la musique - et de vivre- pour devenir momentanément le meilleur studio du monde en y attirant les pointures internationales. Anecdote, si le son de basse de New Order vous titlle, c’est là qu’il a trouvé ses origines, à partir du son de basse de Laurent Thibaud, membre de Magma qui l’a trouvé pour Bowie avant que celui-ci ne fonce à Berlin y enregistrer sa trilogie, pour cause de bande recopiées et diffusées à tort. De cela, Hookie s’est initialement inspiré pour créer le son de Joy Division puis de New Order, la basse lead. Une anecdote parmi d’autres, dans les riches heures de la vie de Michel Magne… 

Le Grateful Dead s’installant dans le parc après l’annulation/inondation du Festival d’Auvers sur Oise

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Mais la plus fameuse reste - il y a une archive son sur RTL - le Grateful Dead décidant de remercier Magne de l’avoir invité à résider au Château, en offrant un concert gratuit dans le Parc d’icelui … concert réservé aux habitants, en présence du Préfet et des pompiers qui se termine avec tout le monde à poil dans la piscine sous acide, Lallement et tous les coincés du col devraient en prendre des leçons… 

En intégrant dessins, photos, coupures de presse à la matière de la BD, les co-auteurs transforment le propos en un très gouleyant roman graphique, ode à la joie et à la création débridée.

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Trop longue est la liste des gens qui y sont passés, mais certains, dans la postface y vont ( et pas la larme à l’œil) de leur vision du lieu et de son propriétaire. Comme Costa Gavras ici :

Le tournage du film Un singe en hiver d’Henri Verneuil se déroulait
à Villerville en Normandie. Assistant metteur en scène, je surveillais les curieux et
les curieuses qui voulaient s’approcher des acteurs, Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo, qui étaient au centre de toutes les admirations. M’ignorant, un jeune homme est allé droit sur eux. Il a été accueilli très amicalement. Ensuite il n’a pas hésité à aller saluer Henri Verneuil qui l’a reçu avec plaisir et sympathie,
lui qui était peu accessible.

J’apprenais vite que ce jeune homme était le musicien du lm, le fameux Michel Magne, qu’on découvrait depuis quelques années avec surprise et intérêt composer la musique de films comiques, de films d’aventures, des drames, tous avec succès. Il travaillait avec Jean Yanne, Jean Girault, Julien Duvivier, Roger Vadim, Yves Allégret et même avec les Américains!

Il avait obtenu une nomination pour l’Oscar avec le film Gigot réalisé par Gene Kelly sur un scénario de Jackie Gleason. Cependant qu’avec son orchestre il accompagnait des chanteurs célèbres et n’hésitait pas à passer de la musique populaire au concert classique, de la musique électronique à la musique de recherche. Un musicien, non pas un classique professionnel mais un poète navigateur sur l’archipel des musiques et des musiciens.

Dès l’entrée en productions c’est tout naturellement que j’ai pensé à lui pour mon premier lm Compartiments tueurs. Je l’ai rencontré dans son château d’Hérouville, près de Paris, superbe demeure du 18ème siècle.

Il a accepté immédiatement d’en composer la musique. Je ne pense pas que le débutant que j’étais le passionnait, surtout après mes descriptions musicales pour le lm sans doute confuses, mais la présence d’Yves Montand, Simone Signoret, Jacques Perrin, Jean-Louis Trintignant a dû être plus convaincante.

Mais ce qui compte le plus ici, c’est l’histoire d’amour tissée entre la baby-sitter qui faisait de l’auto-stop pour aller à Katmandou et qui est montée dans la Porsche de Magne pour devenir finalement son grand amour, sa femme et la maîtresse du lieu, une jeune beauté nommée Marie-Claude qui sert de fil conducteur à l’histoire du lieu, de son arrivée sur place à l’aujourd’hui de la BD.

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A l’heure où le seul fait notable de l’actuelle ministre de la Culture du gouvernement Castex est d’avoir attrapé le Covid après avoir remis la Légion d’Honneur à Michel “Connemara” Sardou, on se prend à rêver aux aventuriers de la Culture, cette matière jugée insessentielle par des gens qui n’y peuvent mais et n’y comprennent surtout rien, formatés du bulbe par les écoles de commerce libérales. Mais, chez ces gens-là Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n´cause pas, Monsieur On n´cause pas, on compte.

Je pense sérieusement qu’il y a, quelque part, une erreur de casting. Sans être nostalgique des 70’s, souvenons-nous que Giscard élu avait été obligé de faire passer des réformes voulues par Mai 68 et que le petit micron (c’est dire l’envergure) tente comme Valls avant lui d’oublier l’ère de liberté qui depuis se raréfie. On leur rappellera, à ceux-ci que le déconfinement va les secouer - et surtout là où ils s’y attendent le mois. On n’en dira pas plus - on le vivra ! Et du génie de Magne en créateur multiple, on saura se souvenir, Bowie s’étant servi de lui ( selon la légende) comme personnage de référence pour écrire Heroes…  Bigger than Life, pour le moins, incroyable trajectoire météorique aussi. Une belle aventure qui finit mal. mais avant… Avant hein ,ça fuse de partout ! Coup de cœur de la semaine !

Jean-Pierre Simard le 26/03/2021
Yann Le Quellec et Romain Ronzeau - Les Amants d’Hérouville- éditions Delcourt/Mirage

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