A contrario, Balthazar remue son sable dans le confinement
En engageant le COVID comme sixième membre, les Belges de Balthazar effectuent une révolution copernicienne et cela donne “Sand”, où se mêlent rock et électronique, Et, c’est comme si, les années 80 du rock européen rencontraient Faze Action sous la douche pour un rendu inattendu. Bienvenue !
Marrant ce truc, un album qui s’insinue dans la tête, sans forcer, avec des recettes connues, mais qui placées de la sorte font sens - et beaucoup de bien. Dans ma sonothèque perso, on retrouve aussi bien le Prefab Sprout de Steve McQueen que le Fad Gadget de Incontinent et même, la surprise est là, le Faze Action de Plans & Design. Dans le sillon du vinyle, le skieur penche son corps sur la gauche pour une jolie prise de carres qui fait voler la neige, avant de balancer le haut du corps pour négocier le changement d’axe et l’attaque de la pente pour reprendre de la vitesse. Vous me direz quoi du ski, mais ils ont des remontées mécaniques qui fonctionnent, eux ? Ils sont d’où ? …
C’est virtuel gars, tu sais ?
Reprenons l’image qui suit le sens de la descente en parlant du sol un bon rock d’Outre-Quiévrain qui a une mémoire qui sonne proto-80’s avec - sur ce Sand - des petites notes boisées qui évoquent les productions de Jean-Jacques Burnel pour Polyphonic Size, une présence devant de la basse qui pulse, en se collant à la / aux voix qui ne se refusent ni les cordes, ni les cuivres pour faire bloc et organiser le son.
Plus loin, en bas de la pente, juste avant le remonte-pente, ça négocie l’envol de la dernière butte à sauter avant de recoller dans la file pour regarder les cimes. Au milieu des autres skieurs, des volutes de house signées des deux frangins Lee, Simon & Robin, changent la structure du soi : une grosse basse qui s’articule autour de cordes qui sonnent house, pour le plaisir de la vue et celui du paysage qui défile sur You Won’t Come Around avec ses chœurs angélques ( fortement/Forcèment angéliques). Pour le rappel à Fad Gadget, c’est la petite mesure électro barrée qui change la donne comme sur Innocent Bystander, dans la façon de balancer un mélange à haute teneur en octane quitte à ce que la voix soit devant et à côté pour prendre du relief. Et enfin, côté Paddy McAloon, l’attention à la production millimétrée qui envoie tout avec des arrangements zarbi qui sonnent d’entrée classiques.
A la barre de Balthazar, toujours le même duo créatif, Jinte Desprez et Marteen Devoldere, à l'origine du groove incomparable du groupe belge à l'aura grandissante en France depuis une bonne dizaine d'années. L'un répond sans cesse à l'autre, cette fois dans une sorte de défi technologique, à distance. Pour Marteen Devoldere : "L’album est devenu bien plus électronique, ce qui est plutôt cool, car ça te force à essayer autre chose, c’est un défi. Et pour un groupe comme Balthazar qui existe depuis un moment, il y a toujours ce risque de finir comme l’Empire romain : gros et endormi."
"C’était finalement pas mal de laisser le coronavirus devenir le sixième musicien sur ce disque."
Marteen Devoldere de Balthazar
Le groupe prend de l'épaisseur à chaque disque. L’élégance avec eux se pare d'une démarche artistique constante, dans la tradition de plus en plus rare des albums cohérents du début à la fin. On ne les croit pas quand ils affirment s'accommoder de leur confinement forcé, mais il y a quand même quelque chose à en tirer. "C’est un mode de vie différent mais on apprend à vraiment se connaître, j’imagine, essaie d'expliquer Marteen. Ces dix dernières années on tournait constamment, c’était comme vivre dans une bulle et là, tout à coup, on est collé au sol, coincé dans cette réalité à domicile… C’est une lutte en quelque sorte."
En fin de journée, on déchausse, on se retrouve au bar et on écoute … Sand. Et la question ne se pose même pas de savoir si on a un quelconque pouvoir - ou pas. Powerless ? Pas vraiment ; essayez pour voir !
Jean-Pierre Simard le 2/03/2021
Balthazar - Sand - PIAS