“On the Tender Spot of Every Calloused Moment”, le jouer contre d'Ambrose Akinmusire
Pour les amateurs de beauté, cet album force l’écoute et le quatuor qui l’envoie sonne entre post-bop et avant-garde, tout en maintenant une facilité d’écoute surprenante. On frise le chef d’œuvre et on vous dit pourquoi plus bas… Indice, évoquer le fantôme du blues en 2020.
On the Tender Spot of Every Calloused Moment, le nouvel album d’Ambrose Akinmusire s’est construit sur deux interrogations : la première comment rendre hommage à Roscoe Mitchell de l’Art Ensemble, la rencontre déterminante du premier concert auquel Ambrose a assisté avec sa mère et, en second lieu, suite à sa participation au concert d’Archie Shepp à la Villette l’an passé, comment évoquer/jouer le blues en 20220 ? sur ces deux pistes initiales, Akinmusire donne sa réponse en 11 titres et une acclimatation de la great black music qui, pour jouer avec - mais différent - joue contre pour faire avancer le schmilblick. Et ça marche tellement bien qu’on se demande pourquoi le résultat une telle sonorité s’était perdue depuis, disons, Old & New Dreams (avec Dewey Redman, Don Cherry, Ed Blackwell et Charlie Haden) le piano en lieu et place du saxo…
Grâce à son impressionnante maîtrise de l'instrument, à la richesse de ses timbres et à la grâce harmonique de ses compositions sophistiquées, Ambrose Akinmusire est aujourd'hui l’un des artistes les plus passionnants de la scène jazz actuelle. Avec ses amis et compagnons de scène de longue date, le pianiste Sam Harris le contrebassiste Harish Raghavan et le batteur Justin Brown, la profonde communion tient du sublime. Bercé par l'afrobeat et le jazz émancipé de son père et le penchant soul et gospel de sa mère, Ambrose Akinmusire porte en lui l'héritage des anciens tout en ouvrant grandes ses oreilles sur le monde. FIP dixit, le mois dernier
Je pense plus que jamais que ce n’est pas vraiment moi qui joue, ce qui m’enlève un poids des épaules. Mon boulot, c’est de faire tout ce qu’il faut pour que l’esprit puisse s’exprimer à travers moi.
Ambrose Akinmusire 05/2020
Aux côtés du batteur Justin Brown, du pianiste Sam Harris et du contrebassiste Harish Raghavan - ses compagnons de route depuis plus d'une décennie, Akinmusire livre un album politique faisant état de la condition actuelle des afro-américains aux Etats-Unis. En effet 'On the tender spot' se penche sur le fait d'exister en tant que personne noire en Amérique, il y explore les conflits intérieurs de toute personne qui se croit inférieure au sein de la société. Ce savant mélange de Jazz et de Blues rappelle son second album 'When The Heart Emerges Glistening' (2011), et prouve une fois encore qu’Ambrose Akinmusire est l’un des meilleurs trompettistes de sa génération. Et, pour les sourds, ce n’st pas un sursaut de conscience, c’est juste l’actualité du jazz
S’il faut se faire l’oreille sur le premier titre qui commence par arracher, avant de s’offrir dans toute sa splendeur, le reste de l’album fait voyager loin, vite et bien, en revisitant des façons de jouer, de dire et de composer aujourd’hui pour établir son propos. Jazz vivant, très très vivant et d’une beauté absolue. Black Live Matters, indeed et ici, on comprend même mieux pourquoi. On ne citera que les Fables of Faubus de Mingus comme prédécesseur pour l’ambiance… Laissez-le tourner en boucle, comme bouffée d’air frais et mémo pour penser à la police de partout. C’est et la beauté du blues et le jouer contre qui font avancer les choses. Un album important, pour le moins, un album essentiel, au pire !
Jean-Pierre Simard le 9/05/2020
Ambrose Akinmusire - On the Tender Spot of Every Calloused Moment - Blue Note
