Post-rock et jazz, voici le nouveau GoGo Penguin
GoGo Penguin taille sa route depuis dix ans à affiner et redéfinir sa vision du jazz, de l'électronique et du classique moderne avec un son assez sophistiqué. Et ce nouvel opus n’y déroge en rien. Banco !
En tant que trio de jazz (pianiste, contrebassiste et batteur), ils s'appuient sur la tradition, le travail de Chris Illingworth sur les touches étant au départ l'aspect le plus frappant de leur son, mais explorent l'espace autour de ses lignes de piano suspendues. Le travail rythmique de la contrebasse résonnante de Nick Blacka et l'énergie incessante de Rob Turner à la batterie sont tout aussi impressionnants.
Cette combinaison a permis au trio d'explorer la tension entre les instruments de jazz et l'ambiance du grand écran, de faire exploser les structures post-rock en partitions puissantes et rythmées, et de pousser véritablement à bout ce que trois musiciens exceptionnellement doués peuvent créer en tant que collectif d'une précision presque sans faille. Pas de bol, on vient de perdre tous les bananés rockab…
De nombreux morceaux de GoGo Penguin sont autant propulsés que joués, avec un sentiment d'urgence qui sous-tend des morceaux comme Signal in the Noise, les lignes de piano d'Illingworth qui s'élancent entre la contrebasse et le claquement rapide des remplissages de batterie, et l'énergie renforcée de Atomised qui conduit à des changements de tempo sans effort.
Et si le trio se contente de travailler cette qualité de marche, comme il le fait sur la contrebasse en plein essor et les signatures temporelles pivotantes de Totem, il travaille également sur le spectre en adoucissant les basses réverbérations de Don't Go. Amplifiant l'espace et l'air mort, les trois musiciens dérivent dans leur propre monde avant de se frotter délicatement l'un à l'autre pour de brèves houles émotionnelles. Embers est également en équilibre avec son piano roulant qui mène à une complainte plus lente avant que To the Nth ne prenne le relais, les touches d'Illingworth flottant au-dessus des basses sirupeuses de Blacka, les doigts souples et les visages grimaçants.
S'aventurant dans un monde typiquement alimenté par une électronique apocalyptique et des murs de guitares qui s'écroulent, le trio, grâce à son excellence technique et à sa puissance analogique, rend GoGo Penguin aussi confiant que sophistiqué. Il serait facile de réduire cela à une écoute contemplative et isolée, mais ses méditations radicales, et souvent majestueuses, valent bien plus que cela. C'est un album qui vaut bien votre temps, quelle que soit la quantité de temps que vous avez à lui consacrer et s’inscrit une fois encore dans la lignée des albums d’EST, d’excellente mémoire. Suivez le guide …
Jean-Pierre Simard le 8/06/2020
GoGo Penguin - GoGo Penguin - Blue Note