Vol Retour pour Sidney, avec un Bechet loin des clichés

Sur l’écran noir et blanc de l’ORTF des 50’s, on voit passer des jazzmen à haricots rouges qui déclinent en blanc de peau l’idiome du jazz qui a pignon sur grue ; le néo-orléanais en costume rayé. Bien sûr, la star c’est Sidney, confiné dans ces clichés pour petits et glands. Mais en même temps, Sidney joue presque free avec Martial Solal… 

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Mais Sidney, adulé aussi bien par Duke Ellington qui dit de lui ceci : ” l'invention, la modernité, l'humour, le sens mélodique d'un des plus grands créateurs de jazz”, que par Coltrane qui le joue sur son Coltrane plays the Blues , voir Steve Lacy (dont il est le modèle) qui poursuit ses aventures et ses recherches, réussit à intriguer en restant populaire ; parce qu’il est un créateur au-delà des clichés oncletomistes de la France d’alors. Et Jean Rochard de NATO qui avait sorti un premier volume de Vol pour Sidney en 1992, lui redonne une nouvelle actualité ici avec un second collectif qui dévide Vol pour Sidney (Retour) en réussissant à y inscrire de nombreuses facettes de l’actualité du jazz de 2020 - c’est peu dire que l’auteur de Petite Fleur a su s’assurer une descendance qui coule encore dans les sons les plus divers.

Et hop ! Montent à bord quelques vétérans, mais aussi des musiciens et musiciennes de plus jeunes générations pour qui Sidney Bechet constitue un extraordinaire exemple d’une musique qui traverse l’ensemble du spectre de son langage, de l’invention la plus novatrice à la plus haute estime de la musique populaire, une musique qui sait l’émotion de la peine et du rire et qui jamais n’oublie la danse et le blues fondateur.

Si l’on trouve des réponses directes à Vol pour Sidney (aller) comme cette nouvelle reprise de « Petite Fleur » avec Elsa Birgé, cette présence forte de batteurs affirmés (Matt WilsonSimon GoubertDavu SeruStokley WilliamsChristophe Lavergne), ces saxophonistes de haut vol (Jeff LedererJohn DikemanNathan HansonRobin FinckerFrançois Corneloup et Donald Washington – une grande joie, et sans exagérer un honneur, de voir en cette compagnie une des secrètes légendes du jazz), ces rencontres inédites ponctuées par des groupes solidement constitués (Hymn for HerSylvaine Hélary « Glowing Life »Ursus Minor), cette diversité des langages sous-tendant moult définitions du jazz avec une armée de poètes (Sophia DomancichTony HymasDoan Brian RoesslerKirk KnuffkeChris LightcapGrego SimmonsGuillaume SéguronBenjamin Glibert, etc.), on relèvera aussi quelques directions nouvelles, une présence du blues plus marquée encore, des thèmes dédiés à Bechet composés par Duke Ellington et John Coltrane ou des thèmes affectionnés par Bechet comme cette « Brave Margot » de Georges Brassens ou le fameux « Shag » de Joe Jordan. Et puis L’arrivée de la clarinette (il n’y en avait pas dans la version « aller » - premier instrument de Bechet), avec notamment Catherine Delaunay. Delaunay avec Bechet, ça marche à toutes les époques !

Et, tout l’effet de cela c’est qu’on part entendre du Béchet - et comme avec tout bon album de jazz ,on va beaucoup plus loin à y entendre l’histoire d’un présent qui joue l’avant, comme s’il arrivait après et s’offre dans la continuité du son/des sons. Comment, vous n‘avez rien compris ? Une seul solution, remettez la première piste et ça va vite devenir évident que quelque chose se joue/se donne /s’affine /envoie grave ici. Et encore merci … 

Jean-Pierre Simard le 19/08/2020
Collectif - Vol pour Sidney (Retour) - Nato

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