La petite/grande musique intérieure de Kelly Lee Owens
Inner Song, second envoi de Kelly Lee Owens est là pour marquer durablement les consciences avec sa plongée introspective dans une électronique flottante et intrigante. Non sans rappeler les efforts conjugués et passés d’Eno et Cale ; ce dernier convié sur Corner of My Sky. Grand album d’une année qui semble l’habiter de son malaise ambiant/ambient.
Inner Song arrive après un premier album éponyme sorti en 2017, mélange idéal de rythmes entraînant et d’écritures introspectives largement salué par la critique. Owens a en effet parcouru un long chemin depuis sa carrière d’infirmière. Elle a produit des remixes pour St. Vincent et Björk, un maxi club « Let It Go / Omen » et a collaboré avec Jon Hopkins sur le récent Luminous Spaces.
Ce dernier album témoigne de ce que Owens décrit comme « les trois années les plus difficiles de ma vie », une période chargée émotionnellement qui, selon ses mots, « a certainement eu un impact sur ma vie créative et tout ce pour quoi j’avais travaillé jusqu’à ce moment-là. Je ne savais plus si je pouvais faire quoi que ce soit, et il m’a fallu beaucoup de courage pour arriver à me dire que je pourrais faire à nouveau quelque chose. » Et le rebond est d’importance qui la voit expérimenter dans un vrai lâcher-prise. « Avec le premier album, j’étais vraiment obsédée par l’obtention immédiate du son idéal, ce qui a gêné le flux d’idées », explique-t-elle. « Cette fois-ci, j’ai abandonné mon perfectionnisme au moment initial pour que les idées s’épanouissent pleinement et deviennent ce qu’elles veulent être. »
Du titre d’ouverture, la reprise d’Arpeggi de Radiohead, elle affirme : « Je suis une grande fan de Radiohead, donc c’est un sacrilège d’une certaine façon » plaisante-t-elle. « Mais je voulais donner ma version d’un morceau qui a toujours résonné pour moi comme une chevauchée à travers des arpèges de synthés. Pour moi, cela sonne comme de se relever de quelque chose d’assez sombre et sans espoir pour refaire surface – c’est de là que je reviens. »
Galloise, elle a même fait appel à John Cale pour chanter un ballade psyché (qui troue) Corner of My Sky, un des sommets de l’album qui en regorge. John et moi avons travaillé ensemble durant une session et une connexion s’est établie. J’ai réalisé que je pouvais entendre sa voix sur cette berceuse psychédélique. J’ai osé lui demander s’il accepterait de contribuer à ce morceau et à utiliser un peu de gallois.
Le titre évocateur de l’album est emprunté à l’opus de 1972 du maestro de free-jazz Alan Silva. « Ces deux mots reflètent vraiment ce que c’était de faire cet album. J’ai fait beaucoup de travail intérieur au cours des dernières années, et ceci en est le véritable reflet. » Les basses époustouflantes et les textures riches d’Inner Song montrent qu’Owens s’attache à offrir un plaisir auditif maximal – comme en témoigne la décision de faire un double album vinyle (ou un album à trois faces) : « Je suis toujours obsédée par les fréquences qui ne sonnent bien sur vinyle que si elles ont de l’espace. »
« Le pouvoir de conceptualiser qui je suis a vraiment éclairé cet album » déclare Owens à propos de l’essence d’Inner Song, et son deuxième album est vraiment une découverte d’elle-même – la dernière déclaration d’une artiste fascinante qui continue de surprendre. Pour les voyageurs qui connaissent un peu le Pays de Galles, on y entend aussi les paysages qui passent ainsi de l’intérieur à l’extérieur. Coup double pour ce remarquable album féminin qui vous prend par surprise pour ne plus vous lâcher. Wake Up !
Kelly Lee Owens - Inner Song - Smalltown Supersound
Jean-Pierre Simard le 2/09/2020