Deep listening ou renouveau psyché avec "The Universe Inside" du Dream Syndicate ?

Dans un registre plus Spaceman Three ou Model 500 que l’habituel psyché au couteau des compositions de Steve Wynn, The Dream Syndicate s’est laissé aller à l’impro collective sur ce réjouissant The Universe Inside. On vous raconte … 

A force de s’entendre dire qu’il écrivait des titres dans la veine de machin, truc ou bidule - rien moins que Lou Reed, Dylan ou Michael Stipe, Steve Wynn a du en avoir marre et décidé de se tourner vers l’écriture en groupe avec le renfort de quelques potes, sauf les manchots, ça va de soi, pour innover un peu, en douceur, comme en profondeur.  Côté titres précédents qui évoqueraient le présent … on pense bien sûr au John Coltrane Stereo Blues, ce court titre de seulement neuf minutes… 

The Regulator, morceau introductif, rappelle assez fort le Miles électrique funky-soul des années 70 qui démarre en fanfare. Tout au long de la chanson, les textures du sitar électrique oriental (joué par Stephen McCarthy des Long Ryders), de la basse funky profonde, du chant obsédant et du saxophone s'épanouissent grâce à l'invité Marcus Tenney (membre de Butcher Brown), pour devenir quelque chose de subtil et délicieux. The Regulator est un microcosme de l'ensemble du disque, explique Wynn. "C'était juste une masse informe et trippante quand nous avons commencé à jouer ensemble. Au début des années 70, il y avait une boîte à rythmes - une Maestro Rhythm King, le même modèle que celui utilisé sur There's A Riot Goin' On - avec Dennis qui s'y accrochait et donnait le rythme. Stephen s'est emparé d'un sitar électrique parce que c'était la première chose qu'il a vue. Jason et moi donnions des coups de pédale comme des singes de laboratoire et Mark était le paratonnerre, réunissant tous ces éléments en un seul et même groove. J'ai assemblé une liste d'idées de paroles aléatoires et sans lien entre elles que je gardais sur mon téléphone, pour ensuite toutes les tester chez moi dans mon studio pour voir comment elles seraient ressenties. C’est ce que vous entendez, ce truc en une seule prise … 
On va dire que, comme intro, il y a pire, à sortir de la forme convenue pour la malaxer et lui faire dire quelque chose d’inattendu.

On est assez ok à les retrouver sur un terrain qu’on croyait abandonné et qui faisait qu’ils méritaient leur nom… Ce qui ressort de cet album, ce sont les connaissances de Dennis Duck sur la musique d'avant-garde européenne, la passion de Jason Victor pour le prog des années 70, l'expérience de Mark Walton dans les collectifs de musique du Sud, la soif de Chris Cacavas pour la manipulation du son ainsi que l'amour de Wynn pour le jazz électrique vintage.

Cet album aurait pu/du s'appeler The Art of The Improvisers car, en une seule session, le Dream Syndicate a enregistré 80 minutes de paysages sonores. "Tout ce que nous avons ajouté, c'est de l'espace", a expliqué Wynn. Ce qui veut dire qu'à part les voix, les cors et une touche de percussion, chaque instrument a été enregistré en direct.

Maintenant, si on vous parlait plus haut de Deep Listening, c’est juste qu’elle s’impose d’entrée sur une telle musique : à bien écouter, la subtilité du propos monte doucement, comme une vague pour ne plus vous quitter. L’excellente surprise du jour; hautement recommandée !

Jean-Pierre Simard le 9/06/2020
The Dream Syndicate - The Universe Inside - ANTI/PIAS