Alice Coltrane joue John Coltrane, live at the Berkeley Community Theater 1972 : juste puissant !
On se doutait bien qu’il restait des archives des prestations d’Alice Coltrane des titres joués en hommage à John. Mais, celles-ci, publiés par le label BCT sur un double vinyle remasterisé, valent leur pesant de surprises, Alice Coltrane y jouant du Wurlitzer. On a écouté et aimé…
Aussi loin que possible des sorties du label Impulse des 60’s avant et après le décès de son mari que des derniers arrivages méditatifs issus de son ashram, c’est autant l’hommage à John qui prime que la façon dont il est rendu ici avec un sextet de folie : Alice Coltrane: harp, acoustic piano, Wurlitzer organ; Ashish Khan: sarod; Charlie Haden: bass; Pranesh Khan: tabla, naal; Ben Riley: drums; Bobby W.: tamboura, percussion.
Les critiques de jazz américains ayant dernièrement réévalué l’apport d’Alice au son des derniers enregistrements de John, tous s’accordent aujourd’hui à dire qu’il n’y avait, chez elle, rien d’effacé ou de calmant dans son jeu; mais une simple balance pour éclairer le propos et donner d’autres angles à la musique. On est non seulement d’accord, mais on va même pousser le bouchon plus loin en disant qu’ici Miss Coltrane s’aventure aux mêmes dates sur des terrains que le Miles électrique de l’époque parcourait avec entrain (et un immense succès auprès du public rock), son jeu de Wurlitzer pouvant allègrement se caler sur ceux des Corea, Jarrett et Hancock.
Mais cela ne s’arrête pas là, car la dame déborde les aventures davisiennes en allant au-delà de ce que Miles osait sur Agartha ou Dark Magus - sans guitare- en restant dans le free quand Miles détestait ça.
Les quatre titres apparaissant chacun sur un face du double LP sont des brasiers, bien dans l’esprit du John Coltrane de la dernière période où alternent moments de calme avant la tempête, portés par les instruments, chacun y trouvant, tour à tour, sa place pour un solo. Le plus intéressant étant les prestations d’Alice, de Charlie Haden, et de Ben Riley qui assurent une rythmique d’enfer pour ouvrir des espaces à Aashish Khan au sarod, à Pranesh Khan aux tablas et à Bobby W. sur sa tamboura.
Le titre à l’ouverture la plus féroce est “Journey In Satchidananda” - au plus loin de la version sortie en 1971 - mais la tension est maintenue quasi au fil des trois autres “A Love Supreme,” “My Favorite Things” et “Leo.” Le track listing étant bizarre, il est fort possible que “Satchidananda” soit arrivé en conclusion du concert et pas au départ. Mais au vu de la prestation, on s’en cogne grave, tant le niveau est à tomber. Conseil du jour : offrez-le vous !
Jean-Pierre Simard le 18/06/19
Alice Coltrane - Live at the Berkeley Community Theater 1972 - BCT records