Comment éviter la tristesse à tout prix avec Ezra Collective

Le débarquement vendredi dernier du premier album d’Ezra Collective intitulé fort à propos You Can’t Steal My Joy arrive après un premier maxi qui les a rendus célèbres, et deux ans de tournée ininterrompue.

Le quintette londonien composé du leader Femi Koleoso (batterie), de son frère TJ Koleoseo à la basse, de Joe Armon-Jones au clavier, Dylan Jones à la trompette et de James Mollison au saxophone s’est vite fait remarquer par Gilles Peterson qui leur a ouvert toutes les portes possibles (label, festivals, clubs), touché par la grâce de leur idiome singulier mixant, au-delà du jazz, aussi bien afrobeat, musique latine, que hip-hop et grime. Fer de lance impressionnant de la nouvelle scène jazz anglaise, leur premier album débarque affichant toutes les couleurs déjà connues dans un ensemble réjouissant. Et pour cause, tout a été peaufiné à l’ancienne avant d’être capté numériquement.

Tout est parti en 2017 de Juan Pablo, the Philosopher qui a remporté le ‘Best Jazz Album’ aux Gilles Peterson’s Worldwide Awards et donné au groupe les titres enviés de ‘Best UK Jazz Act’ et ‘Live Experience Of The Year’ au Jazz FM Awards en 2018. Aperçus à la soirée d’anniversaire de Quincy Jones à Montreux, ils ont bondé les salles du Royaume-Uni, avant de s’embarquer pour le Winter Jazz Fest à New York début 2019. Et hop, entre deux trains, taxis ou avions, ils ont enregistré cet album qui remet au goût du jour le jazz actuel dans ses aspects les plus aguichants, en gros du jazz populaire, souvent dansant, qui sait jouer mais n’affiche pas que sa dextérité… 

On y croise aussi bien des reprises de thèmes classiques, comme le Space is the Place de Sun Ra, devenu populaire avec l’arrivée du trip hop des 90’s et dont l’intégrale est en court de ressortie, le Shakara de Fela, lui déjà anthem club depuis sa sortie des 70’s; ici repris avec l’aide des allumés de Kokoroko, que des ouvertures hip hop avec le premier single (et futur tube) What Am I to Do, où on retrouve le rappeur londonien Loyle Carner et la reprise du single de l’an passé Reason In Disguise où la star montante anglo-jamaïcaine du R’n’B Jorja Smith donne joliment de la voix. Les onze autres titres naviguent au son d’un groove constant qui balancent tour à tour toutes les couleurs musicales évoquées plus haut avec une certaine grâce. Et pour contrer l’adage ancien de Jacques Tati qui servait autrefois de baseline au Inrocks- on ne pourra plus dire “Trop de couleurs distrait le spectateur/auditeur”- car en plus d’une raison d’être et de dire la diversité culturelle anglaise actuelle, ça ouvre encore des portes et donne des envies.
Well done boyos !

Jean-Pierre Simard le 29/04/19

Ezra Collective - You Can’t Steal My Joy — Enter The Jungle Records