La coulée de sommeil d'Esther Teichmann

Avec On Sleeping and Drowning, Esther Teichmann présente un ensemble scénographié de photographies peintes, de vidéos et d’installations qui envoie un récit spirituel, naturaliste et fragmentaire d’une sérieuse sensualité. Suivez le guide, on coule !

Esther Teichmann, Untitled, Heavy the Sea, 2017 Photographie
Courtesy of the artist & Galerie Les Filles du Calvaire, Paris

Esther Teichmann y déclare son amour du romantisme allemand et du cinéma, sur une œuvre qui se souvient des conventions pour mieux s’en éloigner : « Plutôt que de travailler directement à partir d’une histoire de l’art spécifique, je collectionne des documents provenant de sources diverses : peintures, coupures de journaux et images de films, que j’épingle en studio. Ces corps, leurs gestes et leur potentiel narratif, deviennent des références libres que je reconstruis. ». La peinture et la photographie ne font plus qu’une. Quand l’encre et la peinture ne ruissellent pas directement sur le tirage, elles lui servent de fond. Les teintes sont subtiles, minérales et ouvrent sur un monde fantastique qui tient du rêve, aussi délirant qu’impénétrable. Comment ne pas succomber ? et d’ailleurs … 

Esther Teichmann, Untitled, On Sleeping and Drowning, 2018
Courtesy of the artist & Galerie Les Filles du Calvaire, Paris

On Sleeping and Drowning transforme l’espace de la galerie des Filles du Calvaire en un montage surréaliste, un assemblage de plusieurs couches. Par l’utilisation de grands fonds photographiques repeints, les murs deviennent des grottes qui portent des photographies de femmes endormies, des ciels et de curieux cyanotypes d’algues. Lorsque l’artiste choisit la grotte, c’est à l’idée de la grotte qu’elle se réfère, à l’intériorité pure que celle-ci suggère. Ce berceau minéral, froid et vierge, redevient sous la peinture de Teichmann un lieu de retrait et de méditation. La femme est nymphe ou mère, endormie et rêveuse. La nature omniprésente. 

« La littérature, le cinéma et mes propres écrits sont essentiels dans mon processus de création et ma réflexion sur les images. J’écris des images avant de les transformer en objets visuels. Au cours de l’écriture mes souvenirs et mon autobiographie deviennent fictionnels. Les personnages inspirés de personnes existantes s’estompent et se confondent, ils prennent la forme de quelqu’un d’autre. »


L’installation cinématographique Fulmine synthétise en mouvement tout l’art d’Esther Teichmann : l’érotisme, la nature, et la force vitale. Dans ce triptyque vidéo, les personnages tentent un rapprochement langoureux dont l’issue reste incertaine. Teichmann a filmé le canoéiste Carlos Tapuy en Amazonie, l’accompagnant quotidiennement dans ses voyages silencieux et méditatifs. La danseuse Sophia Wang évolue quant à elle dans un lit-bateau, dans un mouvement auto-érotique continu. Entre eux, un petit arbre isolé dans une forêt ombrophile se balance différemment de la végétation qui l’entoure. Le tout, sur une musique originale pour quatuor à cordes composée par Deirdre Gribbin. L’exposition On Sleeping and Drowning est la fabrication d’un rêve entre sommeil et noyade. Il n’est pas question de mort mais bien d’un abandon total, pareil à l’orgasme. Même après… 

Mo’ Zerwell ( avec Sébastien Borderie) , le 23/04/19

Esther Teichmann On sleeping and drowning → 11 mai 2019
Galerie Les filles du calvaire 17, rue des Filles-du-calvaire 75003 Paris

Esther Teichmann, Untitled, On Sleeping and Drowning, 2018 Photographie