Les Last poets et l'héritage de la culture urbaine black new-yorkaise : AMERIKKKA
Ce dvd a beau avoir vu le jour en 2008, il n‘empêche que son intérêt ne s’est pas amoindri au fil du temps. A tel point que l’Histoire qui croise l’histoire des Last Poets reste un modèle du genre - autant pour la poésie qu’elle révèle que le moment où elle surgit. Ils faisaient aussi l’ouverture de la 36e édition de Banlieues Bleues.
The Last Poets est le nom d’un collectif new-yorkais à géométrie variable (au fil du temps) de poètes et de musiciens créé à Harlem en 1968, le jour de l'anniversaire de Malcom X. Les membres fondateurs sont Felipe Luciano, futur dirigeant des Young Lords, Gylan Kain et David Nelson. Issus du mouvement des droits civiques et du nationalisme noir, leurs textes, chargés politiquement évoquent souvent les racines des communautés noires américaines.
Leur nom vient d’un poème oral du poète révolutionnaire sud africain Keorapetse Kgositsile, qui pensait qu’après l’ère de la poésie arriverait celle des fusils… Et le film tourné par Claude Santiago relate, entre captation de concert, docu et film d‘art, autant le tourbillon créé à l’époque de leur apparition que leur héritage actuel; toujours intact sur scène.
Co-inventeurs du rap avec Gil Scott-Heron ( leurs premiers albums sortent tous deux en 1969), ils vont faire l’objet des mêmes poursuites du FBI de Hoover qui, sur ordre de Nixon, veut éradiquer la prise de conscience noire aux USA et tout faire pour mettre les Black Panthers et leurs soutiens en tôle ou pire au cimetière, en créant avec l’opération Cointelpro une psychose à leur égard. A tel point que les leaders qui n’auront pas été assassinés à la fin des 60’s fileront à l’étranger comme Eldridge Cleaver ou en prison, comme Angela Davis.
Mais, entre temps, il aura existé un lien entre tous les mouvements radicaux (blancs, indiens-américains et noirs, et les Last Poets en auront raconté la saga au quotidien avec un humour implacable ( Niggers are afraid of revolution, This is Madness, etc.). Le dvd raconte cette histoire, ses dissensions et montre comment la puissance du collectif a laissé une marque indélébile dans l’histoire de la musique et de la parole libérée. Made in Amerikkka est plus qu’un docu, ça reste un brûlot. Try for once ?
Jean-Pierre Simard le 27/03/19
The Last Poets - Made in Amerikkka - de Claude Santiago, la Huit éditions