A Sons d'Hiver, le Black Power version 2.0 pour Amiri Baraka et Ambrose Akinmusire
On aime beaucoup le festival Sons d'Hiver dans le 94. Mais cette fois, on s'y est pris trop tard pour aller au concert d'ouverture. On ne passera pas pour autant sous silence la soirée hommage à Amiri Baraka (ex-LeRoi Jones) et Ambrose Akinmusire le trompettiste qui joue entre jazz, classique et hip hop en assurant la relève du premier.
Lundi, on vous parlera de nos choix pour le festival, en vous rappelant qu'il reste des places pour demain samedi à la Cité U pour écouter les excellents Shabazz Palaces et Dälek. Mais à défaut d'y aller, il reste des albums de tous - et on va s'approcher de ceux qui jouent complet ce soir au Kremlin-Bicêtre.
Tribute to Amiri Baraka par Heroes are Gang Leaders
L’an passé, James Brandon Lewis ouvrait le festival en compagnie du In Order To Survive de William Parker. Dans la suite des jeux collectifs à forte tendance de veille démocratique, Lewis revient en compagnie du poète diagonal Thomas Sayers Ellis. Ensemble, ils ont initié Heroes Are Gang Leaders, un rassemblement d’artistes et d’autres fournisseurs de culture, décidés à déjouer les résignations populaires et à panser la douleur des consciences.
À ranger sur la même étagère que l’Arkestra de Sun Ra ou le Wu Tang Clan, HAGL revisite cette vieille habitude de la jam-session et rend hommage à une figure majeure de la culture afro-américaine : Amiri Baraka.
Amiri Baraka, né Everett LeRoi-Jones à Newark passe par l'armée avant de rejoindre New-York et Greenwich village où il fonde Totem Press qui va publier les beatniks Ginsberg et Kerouac. Se politisant de plus en plus, il voyage àa Cuba en 1961, écrit le Peuple du Blues en 1963 (en Folio-Gallimard) avant de connaître un grand succès avec sa pièce Dutchman/ Le Métro fantôme. Rejoignant les Black Panthers, il est nommé prof à San Francisco, puis arrêté à Newark pour port d'arme prohibé et résistance à l'autorité. Condamné à trois ans de prison ferme, il est acquitté en appel et poursuit une double carrière d'enseignant et de littérateur/poète/critique. L'album Amiri Baraka Sessions (Flat Langston's Arkeyes) pulse, comme une scène ouverte, autour des textes de l'écrivain du Black Power qui, en ces temps d'incertitudes politiques, retrouvent une actualité nauséabonde avec Trump ou Macron ici … ou comment l'évolution du statut des Afro-Américains a trouvé un écho dans les modifications de la musique noire. Et comment cela irrigue la culture contemporaine…
Ambrose Akinmusire reprend le flambeau sur son album paru l'an passé et considéré par certains comme l'album-phare de 2018, Origami Harvest (Blue Note) que Télérama, chroniquait ainsi en novembre dernier : “Comme il l’explique dans les notes de pochette, le trompettiste a voulu dresser des ponts entre plusieurs opposés : masculin et féminin, improvisation et calcul, hip-hop et classique, etc. Ce pourrait être lettre creuse. Mais Akinmusire sait se donner les moyens de réaliser ses ambitions et c’est d’une main de maître qu’il organise la collision entre le flow fauve de Kool A.D., une musique de chambre parfois échappée d’un cycle de Terry Riley, à d’autres instants évoquant la Vienne agonisante de Zemlinsky, et le jazz teinté de funk d’une formation comprenant pour l’essentiel des claviers et une batterie. Là où tant d’autres céderaient à la grandiloquence, Akinmusire maintient une exigence extrême, quitte à prêter une certaine austérité à son propos heurté, plein de tumultes et d’interrogations sur le chaos américain contemporain.”
On ne peut y aller, c’est complet. Mais on peut se dire que cette parole importe quelque peu, à l’heure où un simple foulard dans une manif coûte dorénavant 15 000€ d’amende…
Jean- Pierre Simard le 1/02/19