L’art de Paul Pouvreau : La vie comme un magazine des jours avariés

Dix ans après sa participation à l’exposition collective L’Île de Morel, Paul Pouvreau présente au CPIF une monographie. La proposition, qui s’attache à parcourir l’œuvre d’un des artistes les plus passionnants de sa génération (né en 1956 à Aulnay-sous-Bois), articule des images anciennes à de plus récentes, produites pour l’occasion. Entre tensions et déchets, une geste impressionnante.

Paul Pouvreau, Mieux qu’ici, 2014

En utilisant exclusivement matériaux du quotidien, ustensiles ménagers, poussière, emballages en carton, sacs plastiques, affiches publicitaires, Paul Pouvreau bâtit des espaces et des moments poétiques. A cet endroit précis, des incidents surgissent dans un quotidien de signes mornes et des illuminations de sens et de petits plaisirs visuels y cognent singulièrement à la vitre.

Une partie de son travail, qui met sur le même plan les gestes architectural, sculptural, performatif, graphique et photographique, pourrait être lue comme burlesque — ce registre qui utilise la catastrophe, le détournement et le brouillage de la hiérarchie des valeurs comme perturbateur d’un ordre établi. Dans cette forme de comique, l’homme est aux prises avec les éléments — ici générés par l’idéal commercial -, la profusion de signes tels des « détritus visuels ».

Paul Pouvreau, White cool, 2008 Photographie — 80 × 60 cm

« L’enchantement du trivial fut le projet pop, après quoi les artistes conceptuels firent des objets de consommation des fétiches livrés à nos manies (série, collection, classification…). Paul Pouvreau se détache de ces héritages, il aime construire dans le crépuscule de la marchandise, de nouveaux repères. » Michel Poivert

Paul Pouvreau, Mascarades, 2016

Depuis le début des années 1980, Paul Pouvreau développe un travail photographique où il met en scène des objets banals : poussière, ustensiles ménagers, cartons et sacs plastiques, par exemple. Il s’agit, dit-il, de porter attention à ces petits riens dans lesquels se loge souvent presque tout. Dans les années 1990, il introduit aussi un personnage au visage toujours imperceptible, traité comme le sont les objets : de manière anonyme. Si Paul Pouvreau se nourrit du réel, il puise également dans l’Histoire de l’Art et met en scène ses photographies sous formes d’installations. Car ce ne sont pas seulement les objets qui intéressent l’artiste mais aussi les logos, les formes variées des emballages, la manière dont ces signes visuels dialoguent avec l’espace du quotidien et celui de l’exposition. Ces dernières années, son travail s’est aussi enrichi de la pratique du dessin.

Paul Pouvreau, Enfantillages, 2017 Photographie

Comme Elisée Reclus était géographe, Paul Pouvreau s’avère un excellent éditeur de signes du quotidien et son projet une mine à dévoiler les non-dits du quotidien des ruines et de la signification perdue. Superbe travail, on recommande.

Jean-Pierre Simard le 29/01/19

Paul Pouvreau, Passé simple, 2014 Photographie — 62 × 84 cm

Paul Pouvreau - Le magazine des jours → 14 avril 2019
CPIF — Centre photographique d’Ile-de-France
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