Leyla McCalla et son réjouissant (anti-) Capitalist Blues

Leyla McCalla, fille de réfugiés haïtiens, grandie à New York, qui se sent comme « enfermée dans une cocotte-minute dans ce pays » vient de sortir son troisième album : Capitalist Blues. Vintage et rebelle, flirtant parfois avec les rythmes et l’impertinence carnavalesque du calypso de Trinidad, son blues créole met en joie.

Inspirées par le climat socio-politique tendu des États-Unis, ses chansons racontent les effets psychologiques et émotionnels de la vie dans une société capitaliste où l’argent est roi et les pauvres laissés pour compte. Les médias sociaux et les journaux télévisés nous abreuvent d’informations qui font la part belle au système capitaliste oligarchique. Il en résulte un sentiment de mal-être ; on se sent accablé, abandonné, impuissant. De plus, une telle perception du monde, affaiblissant notre humanité naturelle, tend à nous isoler les uns des autres. Ce sont les symptômes du “blues capitaliste”. Refusant le pessimisme et le cynisme qu’engendre cet état, et transcendant leur propre mélancolie, ses chansons portent un message fondamental : même si nous nous sentons accablés par toutes les injustices qui nous entourent, nous devons résister et ne pas succomber.

Le spectre musical de l’album va du jazz traditionnel de La Nouvelle-Orléans au zydeco de la Louisiane en passant par le rara haïtien, avec à l’affiche de prestigieux invités : le collectif Lakou Mizik de Port-au-Prince, Corey Ledet, Shannon Powell, Carl LeBlanc, et bien d’autres. Produit par Jimmy Horn et enregistré par Andrew “Goat” Gilchrist au studio House of 1000 Hz à La Nouvelle-Orléans, The Capitalist Blues marque un changement de direction par rapport à l’approche folk des deux premiers albums de Leyla McCalla qui avaient été salués par la critique. On y trouve essentiellement des chansons originales qui sont de plus en plus imprégnées par les musiques de sa ville adoptive, La Nouvelle-Orléans, et celles de son pays ancestral, Haïti.

Jean-Pierre Simard

Leyla McCalla- Capitalist Blues - Jazz Village/PIAS