69 année érotique, des tableaux orphelins d'une chanson de Gainsbourg

L'Espace 24 Beaubourg à Paris, propose jusqu'au 7 décembre l’exposition 69 année érotique qui réunit une cinquantaine d'oeuvres à l'érotisme frisant parfois la pornographie qui avait, à l'époque, valeur de geste politique et transgressif.

Vue de 2019, alors que la pornographie est un produit de consommation usuelle sur Internet, les tableaux très colorés sélectionnés par les galéristes Tancrède Hertzog et Léopold Legros paraissent bien en retrait. A l'époque pourtant, ils étaient porteurs d'un message politique directement dérivé de l'esprit de mai 68. D'ailleurs, en observant les évènements, cette fin des années 60 et leurs conséquences, il apparaît que l'année 1969 a été plus déterminante que celle qui l'a précédée, à inaugurer ce qui a été reconnu comme la "parenthèse enchantée". Cette période d'insouciance sexuelle a duré plus de dix ans. Ouverte par l'usage de la pilule anticonceptionnelle autorisée depuis seulement l'année précédente, elle s’est tragiquement refermée en 82/83 avec l'apparition du Sida.

Evelyn Axell - L’égocentrique, 1968
Tissu clartex et émail sur panneau unalit, 108 x 72 cm

Sans distinction d'école ni de courant, la sélection de "69 année érotique" présentera - entre autres œuvres témoignant de l'esprit de décennies de conquête de la liberté sexuelle - les habituelles tête d’affiches comme Monory (1924-2018), Télémaque (né en 1937) ou Schlosser (né en 1931), dont plusieurs oeuvres majeures sont présentées, mais aussi des créations de quelques artistes plus rares ou plus confidentiels, tels l’esthète Emanuel Proweller (1918-1981), le jouissif Christian Babou (1946-2005) ou encore l’élève psychédélique de Dali et brillant dilettante Frederic Pardo (1944-2005). Cette revendication de liberté sexuelle d’abord, puis générale ensuite, que portent ces oeuvres - dont certaines n'ont encore jamais été exposées renvoie à des artistes plus provocateurs, parce que délivrés du puritanisme, que leurs homologues du Pop Art aux Etats-Unis. Ces modèles ont servi de base à la récupération par les créateurs et publicitaires des décennies suivantes et sont aujourd’hui invisibles sur les réseaux sociaux qui préfèrent vendre de la pub à l’extrême-droite coincée américaine plutôt que de montrer la moindre aérole… Souvenons-nous d’un temps moins hypocrite.

Jean-Pierre Simard le 2/12/19
69, année érotique - >7/12/19
Galerie T&L 24Beaubourg - 24, rue Beaubourg 75003 Paris