Les céramiques évolutives de Kristin McKirdy

Depuis sa découverte de la céramique à l’âge de quinze ans, Kristin McKirdy n’a jamais cessé de la travailler. Formée entre la France et l’Amérique du Nord, elle s’est dégagée de la dimension utilitaire de la céramique, pour se diriger vers une expression sculpturale. Choc ! 

Célébrée en 2009 comme « talent d’exception » par le prix de l’Intelligence de la main de la Fondation Bettencourt Schueller et en 2012 par Sèvres-Cité de la Céramique qui lui consacre une rétrospective après une résidence de quatre années, l’artiste américaine Kristin McKirdy demeure une expérimentatrice. À la suite de son exposition en 2006 à la galerie Mouvements Modernes, animée à l’époque par Pierre Staudenmeyer, elle n’a cessé de se renouveler et de surprendre. Récemment, elle a abordé la parure pour le couturier Kris Van Assche. Ses “sculptures talismans” en édition limitée ont enrichi la collection Homme 2016 de la maison Dior. Aujourd’hui, elle s’attaque à la dimension architecturale de l’espace dans le cadre de sa troisième exposition personnelle à la galerie Jousse Entreprise (du vendredi 18 mai au samedi 23 juin). Figure majeure de la céramique contemporaine entrée récemment dans les collections du MAD avec une sculpture murale et le « Coffre-Nuage » de Sèvres, Kristin McKirdy présente également de nouvelles installations et sculptures auxquelles s’ajoutent une œuvre murale ainsi que des formes et des textures inédites et des objets lumineux.

Kirdy McKirdy, Sans titre, 2018 Céramique Courtesy galerie Jousse entreprise

 Son art s’est forgé en mettant rigueur et maîtrise technique au service d’une sensibilité à la dimension spirituelle de la céramique, matière universelle et intemporelle. Son œuvre, inspirée par la vie quotidienne et nourrie par une vaste culture historique — avec une prédilection pour les cultures primitives et la période du néolithique — est fondée sur l’idée du récipient comme témoin immémorial de l’activité humaine et métaphore du corps humain.

Dans cette nouvelle exposition, le vocabulaire de Kristin McKirdy construit sur la recherche du contraste s’enrichit.

Les formes organiques, les oppositions entre surfaces « grattées », noires ou blanches, et émail de couleur, entre rugueux et lisse, mat et brillant sont bien présentes. Apparaissent également des éléments géométriques et de nouveaux traitements de surface. Dans les trois installations, des cylindres et des cubes affirment leur présence, les « obus » deviennent des cônes. Altiers, trois grands « sabliers » dressent leurs silhouettes strictes quand, au sol, reposent des formes biconiques. Les uns arborent une peau striée, les autres sont couverts de spirales en volume.

Mais les principales innovations sont ailleurs. Pour la première fois l’artiste intègre de la lumière dans certaines sculptures. Elle présente aussi une pièce architecturale d’environ deux mètres de haut par trois de large. C’est un claustra constitué par la répétition de deux figures en opposition, une boule de couleur brillante et un profilé aux lignes souples qui déploie un état de surface « gratté », mat, à dominante blanche. Quant aux titres, comme souvent, les œuvres n’en ont pas. Cette absence, récurrente, est voulue pour laisser le champ libre à l’imagination du regardeur. 

A bon regardeur - qui aime le surréalisme des montres molles de Dali ou les objets déviants de Carelman - ceci, adapté à la sculpture contemporaine et à la céramique devrait littéralement vous enchanter. 

Félix Guétary le 24/05/18
 

Kristin McKirdy → 23 juin 2018
Galerie Jousse Entreprise — Mobilier d'architecte Paris  18, rue de Seine 75006 Paris