Vivre à yourte que veux-tu avec Fred Griot
Un mois de janvier sous une yourte au Larzac
20.01.13
Paris.
la neige continue. elle tient depuis 3 jours : très rare de voir ça à Paris. 10 cm environ, un peu plus en cumulé.
le prunier est surligné de blanc.
le Causse va être dans des conditions bien hivernales…
j’ai à dire, et j’ai à dire là-bas.
écrire en parole claire.
je viens de finir un carnet (6 mois de travail) à l’instant, passe à un autre… doit-on croire au hasard ?
départ donc demain pour les grandes steppes ondulées… Causse du Larzac… un mois, sous yourte… écrire, méditer, marcher, casser mon bois pour le poêle, quelques gestes simples…
les buis, les grandes collines bombées, les grandes herbes, dolines, avens, les colonnes de roches ruineuses comme des chapelles romanes de cailloux secs, les pierres claires concassées des sentes, les pins sous la neige, les hommes… une terre pour laquelle je pourrais lutter.
Là où l’étudiant Pete Fromm d’ « Indian Creek » plongeait dans l’isolation glacée de l’Idaho en hiver pour une communion physique insoupçonnée avec la nature, l’écrivain et poète Fred Griot de cette « Cabane d’hiver » affronte presque paisiblement les rigueurs du Causse du Larzac en janvier, en y habitant un mois durant une yourte prêtée, difficile à isoler et à maintenir correctement face au froid et à la pluie, mais qu’il s’agit bien de faire provisoirement sienne. Carnet d’un voyage intérieur immobile, reflet d’autres textes, antérieurs ou alors en cours d’élaboration et de relecture, ce bref récit en forme de journal quotidien s’inscrit en profondeur dans un quotidien du banal devenu tout à coup inordinaire, de la frugalité des gestes et des pensées, d’un écrire petit que ne renierait sans doute pas La Moitié du Fourbi, d’un apprentissage de l’écoute, toute en intensité.
25.01.13
Causse.
grand beau. ciel pur.
levé très très tard, j’en avais besoin. pas trop froid au matin, mais je m’en sors un peu mieux avec ce poêle, difficile, qui tient trop peu, et celui d’appoint à essence. j’améliore l’isolation.
je me rends compte au fur et à mesure combien cette cabane est abîmée mais aussi pensée, par celle qui me la prête, très différemment de la façon dont j’aurais pu la concevoir, davantage en écoute sans doute avec son environnement. mais c’est un art subtil, savant, assez jouissif aussi en vérité de reconstruire en partie, d’améliorer, en glanant et en remontant quelque chose qui était en train de se ruiner. me reposer donc un peu aujourd’hui, profiter aussi du grand beau pour collecter, abriter, casser, rentrer du bois… il en faut encore en fait beaucoup pour tenir le mois, et surtout trouver du bois potable. du tout petit, et quelques belles bûches de chêne, ou pin, du sec. il y en a trop qui avait été laissé à pourrir. la chaleur, le sec, la nourriture… sont les priorités donc. j’éprouve une assez grande satisfaction à revenir à la gestion de ces choses premières. point de boutons ici. les rapports ont déjà changé depuis plusieurs jours : rapports au froid, à la propreté, à la lumière.
le bureau le soir, à peine éclairé, mais tellement suffisant.
La collection La Machine Ronde de publie.net, où ces 150 pages sont parues à l’automne 2017 (après une première publication chez 〔ERR〕 en 2013), continue ainsi à nous proposer d’extraordinaires fenêtres sur un monde proche ou lointain, à l’image des périples échevelés de Sébastien Ménard (« Soleil gasoil » en 2015 ou « Notre Est lointain » en 2017) ou des métropoles fiévreuses de Mahigan Lepage (« Big Bang City » en 2016), un monde où lorsqu’on marche, ce n’est pas pour arriver avant les autres, mais pour ouvrir un espace intérieur d’échange authentique, contre toutes apparences parfois. Parce que l’intime est décidément toujours aussi politique.
Fred Griot - Cabane d'hiver - collection La Machine Ronde éditions publie.net
Charybde2 le 14/05/18
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