Müesli et la vie sociale des choses, ça croque !
Exposer du graphisme est un exercice audacieux et complexe qui ne va pas de soi : comment le graphiste peut-il devenir l’acteur principal d’une exposition, agir avec la liberté de la dynamique artistique lorsque sa pratique se situe de coutume au service d’un projet ?
Le CACC consacre une importante partie de son programme artistique au design graphique, en confiant régulièrement la réinvention de son identité visuelle à de nouveaux ateliers de graphisme. Pour clôturer la collaboration initiée en 2016, le duo Müesli est invité à déployer sa pensée, son positionnement graphique et ses recherches le temps d’une exposition.
Et lorsque le jeu et les règles quelque peu académiques de l’exposition sont acceptés, quelle orientation choisir : montrer un travail existant, présenter ses références et influences, ou bien faire état d’une sensibilité et créer un projet inédit ? Le format même de l’exposition invite ainsi à interroger la posture du graphiste. Privilégiant la dernière option, le duo choisit de partager avec le visiteur le fruit d’une recherche croisant l’anthropologie, le design, l’artisanat et l’art.
À la suite des réflexions menées par l’ethnologue Thierry Bonnot et la philosophe Bernadette Bensaude Vincent, l’exposition The Social Life of Things se propose de faire « la biographie des objets ». D’après le premier, il n’y a pas d’objet strictement « utilitaire » ou qui se réduise à sa valeur commerciale. L’objet s’inscrit dans une trajectoire sociale, il passe de mains en mains. L’épaisseur symbolique des objets, même les plus humbles d’apparence, est une construction sociale.
Comment cerner alors le sens, l’identité ou le rôle des objets ? Peut-on, comme le propose la seconde, examiner l’idée d’une biographie des objets comme outil d’analyse élargie et critique ? À l’heure de la globalisation et des hybridations culturelles, comment retracer ces biographies ? Comment peut-on en faire le récit ? Quels sont les traces, les signes ou les indices qui témoignent de la place des objets, comment sont-ils choisit et par qui ? Comment cette histoire révèle alors notre Histoire ?
À Clamart, Müesli imagine une mise en espace qui fait corps avec le centre d’art. Au cœur de ce display, le duo propose une immersion dans une topographie personnelle, série d’écosystèmes « objectuels » au sein desquels dialoguent, image, signes, caractères typographiques, et objets. À la façon des dispositifs que l’on retrouve dans les « road-side museum » aux USA, créations et marques du réel s’entremêlent ici, leur rapprochement autorisant autant de possibilités d’éclaircissement que de micro-fictions.
À travers le spectre des artefacts et le tissage des références, l’exposition The Social Life of Things interroge et met en regard une série d’objets traditionnels à travers l’analyse de leurs contextes d’émergence et de transformation. Contexte matériel, environnemental, historique, social ou politique, façonnent l’objet à travers sa matérialité et ses usages — objet qui, en retour, façonne et renforce de son empreinte notre appréhension du monde dans un jeu de miroir.
Ainsi, partant d’une réflexion fréquemment associée au champ du design, l’exposition se pose la question de l’élargissement de ce champ et de ses modalités à travers la recherche et l’apport de disciplines aussi diverses que l’ethnologie, l’ethno-mathématique, la littérature ou l’archéologie afin de développer une réflexion sur le design au-delà du champ du design.
Une publication rassemblant les recherches iconographiques et des extraits des recherches scientifiques étudiées par le duo sera éditée à l’occasion de l’exposition. Et on l'attend avec impatience…
Gilles Dalose le 9/04/18
Müesli The Social Life of Things -> 8/07/18
Centre d'Art Contemporain Chanot 33, rue Brissar 92140 Clamart