Les Circulation(s) 2018 du 104 ont belle allure
Le Festival Circulation(s) 2018 qui se tient au 104 attire et rebute à la fois. Il attire par sa sélection fouillée et wide open sur les tendances de la jeune photo européenne; tout en agaçant, par le peu de photos exposées par chacun - avec la question : à partir de combien de photos a-t-on à faire à une exposition? D'abord mes coups de cœur, puis ceux de Pascal Therme après la trêve pascale…
Le dispositif est celui-ci: avec la sélection d'artistes émergents et de structures invitées, venus de France et d'Europe, Circulation(s) reflète les tendances de la photographie d'aujourd'hui. Une quarantaine de séries et autant d'histoires réelles ou inventées, et les extensions comme la galerie Little Circulation(s), les studios photos et les animations. On ajoute les expositions hors lieu dans Paris et le festival mérite son nom…
Le premier plaisir d'un festival étant de s'y déplacer, celui du 104 est assez chamarré, le week-end ouvrant l'espace à nombre ateliers hip hop ou danse contemporaine dans le lieu qui viennent ainsi rythmer autrement les expositions et parasiter un peu l'approche autour des accrochages sous la halle. On se pose alors de savoir quoi regarder en premier et faire se juxtaposer images et sons, mouvements et couleurs qui ne résonnent pas forcément avec un même allant… Mais justement, on va dire que c'est le propos du festival, d'un côté de sélectionner les ouvertures contemporaines des nouveaux entrants, pendant que la vie continue. On suppose que la direction du 104 y est pour quelque chose - et on adhère au propos: rester vivant !
Alors, toujours à l'coute, on file vers Giulia Berto, une Italienne qui documente son histoire d'amour en point de suspension, à suspendre le temps de ses rencontres et de sa vie commune dans l'éloignement de son chéri. Sa série Fragments, nous a plus que convaincu.
Plus loin, on va découvrir Arthur Crestani, un Français qui s'est intéressé à l'immobilier indien, entre rêve et cauchemar. L’urbanisation indienne ressemble à une fabrique à rêves. À Gurgaon, la « Millenium City » en banlieue de Delhi, les publicités immobilières offrent des visions idylliques de la ville de demain. Inspiré par la tradition indienne du studio photo ambulant, Arthur Crestani est parti à la rencontre des habitants de cette ville en pleine croissance. C'est Bad City Dreams.
Le travail sur l'identité absente est la marque de fabrique d'Anna Ehrenstein; Allemande, d’origine albanaise. Ayant le sentiment de n’appartenir véritablement à aucune de ces deux cultures, elle a ressenti le désir de travailler autour de la notion d’identité. L’artiste a décidé de porter son regard sur des femmes albanaises qui affirment leur féminité en portant des vêtements clinquants et des accessoires de contrefaçon. Tales of lipstick and virtue interroge la place des femmes dans une société post-communiste, mais aussi la frontière entre original et imitation, entre le naturel et l’artificiel.
Du côté des techniques mixtes, on a repéré l'Allemande Anna Haser avec ses origami photographiques ( Pascal déteste, moi je suis partant… ) Cette série s’inscrit dans la tradition des portraits qui interrogent les générations à venir. L’apparence physique, dont l’omniprésence s’impose continuellement à notre attention, est au cœur de Cosmic Surgery. La série est ainsi imaginée comme une intervention chirurgicale à laquelle le public pourrait se soumettre d’ici peu.
Avec les Fireworks de Marc Sandrine, on entre dans l'écriture directe de la lumière. Le traditionnel spectacle pyrotechnique du 15 août devient objet d’étude photographique. Les trajectoires et les éclats des fusées projetées dans le ciel sont fixés de manière aléatoire. Au moment de leur développement, les images sont inversées. Les tirages révèlent les traces des projectiles lumineux et forment un ensemble de variations comme des dessins gravés à la pointe sèche.
Avec Boris Loder, le Luxembourgeois, on découvre la socio-géographie de Particles qui reconstruit des espaces, en les compactant. Chaque cube est composé d’objets collectés dans un lieu spécifique du Luxembourg : parking, rue, friche industrielle… La série explore ce que ces objets révèlent de l’histoire du lieu, de sa raison d’être et de son usage réel. Une belle surprise.
Avec God's Will, l'Ukrainien Viacheslav Poliakov sort de leurs contextes des représentations de l'espace publique, avec un bonheur constant. Il s’intéresse à la manière dont cet espace spécifique fait face à la mondialisation depuis la chute de l’Union soviétique. Les objets qui composent cet espace public sont en fait créés par des interactions accidentelles entre des personnes ne partageant rien, par des erreurs, par des destructions ou encore par la végétation elle-même. En définitif, tout résulte de la volonté divine… Mais pas que ( faut pas déconner !)
Une Pologne assez inattendue se dévoile avec les clichés de la série Sisters de Lukasz Wierzbowski qui photographie Ania et Magda, ses deux nièces, à peine plus jeunes que lui. Lukasz devait avoir dix ans lorsqu’il a commencé à les photographier. Depuis, elles n’ont cessé de poser et de se mettre en scène devant son objectif. Qu’elles soient seules, avec Michal, le petit ami d’Ania, ou avec leur chien Stanley, leur proximité et leur relation ambiguë transparaissent dans chaque cliché. Pour le moins.
Voilà ma sélection réduite et un autre angle pour assister au festival avec les Rencontres Fetart et leurs explications/rencontres à la découverte de port-folio d'artistes présents. On pourra aussi se faire tirer le portait sur place en se rendant au Studio Photo, ouvert les week-end. On viendra aussi avec sa progéniture lui faire visiter l'expo mise à sa hauteur à Little Circulation(s) . Enfin, début mai, on pourra assister à des rencontres/ conférences pour le Salon de la Photo. Quelques raisons d'aller au 104, et même d'y retourner, car d'autres événements ont lieu en même temps. Ave ou sans rapport … Anyway, ça circule et c'est bien le but du jeu.
Jean-Pierre Simard le 29/03/18
Festival Circulation(s) -> 06/05/18
Le 104, 5 Rue Curial, 75019 Paris