Drew McDowall, bande son indus de nos jours pourris
Et si la musique indus était la vraie bande son de nos jours gris ? Et si, comme l'avait pressenti Genesis P. Orridge dans les 70's, la violence manifeste n'était plus que le seul témoignage d'une vie aussi envahissante que bouleversante de ses parasites et diverses cruautés à l'œuvre? Drew Mc Dowall, dernier survivant de Coil navigue toujours dans la tempête avec Unnatural Channel.
Membre de Coil de 1990 à 2000, Mc Dowall s'est fait une réputation au sein du groupe pour son travail sur les textures et l'amplitude de ses paysages sonores. Il affirme aujourd'hui ne voir aucune différence entre son travail au sein de son ancien groupe et ses travaux d'aujourd'hui. Même s'il existe un fossé gigantesque entre les trouvailles cinglées des regrettés Sleazy Christopherson et de John Balance et ses propres recherches basées sur de fantasques trouvailles d'une inquiétante et dense étrangeté.
Unnatural Channel est son second projet solo, et marque une belle avancée par rapport au premier, datant de 2015, Collapse. On y découvre un travail plus concentré et une production plus homogène, même s'il déraille toujours sérieux à certains endroits, ce qui le rattache quand même à l'indus débridé de ses précédentes expériences, ou avec ses autres projets. McDowall construit et détruit plaisamment des textures informes pour les faire évoluer vers des rythmes fluides et soutenus qui cognent durablement.
Roxy Farman du groupe Wetware contribue aux voix sur deux titres : sur “This Is What It’s Like,” elle susurre à propos du fait d'être privée de sommeil en raison d'un bruit industriel permanent qui la rend somnambule. Et le titre éponyme de l'album, en deux parties, s'avère carrément un voyage épatant pour sa seconde partie qui prend la forme de la marche funèbre d'un robot diabolique. C'est fascinant ! Farman refait une apparition sur le dernier, bref et convulsif “Unshielded,” où elle chante qu'elle va finir par vous attraper “I am gonna get you”, juste avant que le son ne disparaisse, marquant la fin de l'album.
En ne se basant ni sur le son typique des synthés modulaires ni dans le registre spécifiquement industriel, tout en innovant de bout en bout, Unnatural Channel s'avère hautement inventif et original et, addictif du début à la fin. Alors que le son industriel a fini par envahir la techno, l'acid house ( et Coil en a bien joué) et le hip-hop, le voilà qui se réinvente.
Rien de trop étonnant à cela, dans un monde où les réfugiés de la Chapelle ou de Calais se voient régulièrement, par la police, détroussés de leurs chaussures, de leurs duvets ou autres couvertures et simplement privés de leurs droits humains. L'avant-garde sonore a bien fait son boulot. Elle avait bien fait entendre et les machines et les bruits de botte. Elle témoigne toujours de ceci ou cela. Bonjour chez vous !
Jean-Pierre Simard le 16/01/18
Drew McDowall Unnatural Channel Dais Records