Delprat déglingue et enchante à la Maison Rouge

Inspirée par la littérature - des Métamorphoses d’Ovide au roman contemporain en passant par Mary Shelley ou Virginia Woolf - le cinéma, les bases de données sur Internet ou encore la radio et la presse, Hélène Delprat développe, au travers d’une pratique quotidienne, un travail à la fois grinçant et sensible, où se mêlent fiction et documentaire.

Dix ans après la projection dans Le vestibule de W.O.R.K.S & D.A.Y.S, Hélène Delprat a pensé l’exposition I dit it My Way, spécialement pour les espaces de La maison rouge. Des miroirs et des films sombres, des immenses peintures aux titres hilarants, des voix de cinéma, des dessins radiophoniques, des têtes d’oiseaux, des photocopies, Louis XIV, Judex de Georges Franju ou bien encore le curieux rituel de la tonsure… Voilà ce qui nous attend à ce « jeu lugubre », grave et drôle à la fois. Hélène Delprat aime à parler de l’Extension du Pire, de la monstrueuse laideur ou beauté des choses, des sorcières de Macbeth, des acteurs, du ridicule qui sommeille en nous, du rire…

Depuis plusieurs années, elle a entrepris, en images, au travers de peintures, films, dessins et photographie le volume contemporain des «Très riches heures de sa vie. Son journal filmé comme son blog Days en témoignent, ainsi que le film Les (fausses) conférences qui échafaude un monde fait de hasard et de programmation où apparaissent Eric von Stroheim, Buzz Aldrin ou Jean Cocteau.

« Détruire la peinture » pour en faire une peinture à voir commence par la mise à mort de la vieille (et pas morte) distinction. Hélène Delprat le fait avec profusion, sans craindre d’assombrir la raison et ses certitudes. Elle n’est pourtant pas irraisonnable, c’est une centrifugeuse, un ogre à l’appétit sans limite. La forme encyclopédique est pour elle
un moyen de mettre en marche la forge de son art, dont le feu est dérivé du sens poétique du verbe « forger » : créer, inventer, imaginer. Le métal qu’elle frappe au milieu de son désert est extrait de peintures, de films, de reproductions, des musées, des bases de données sur internet, passe par le fonds Jules Maciet de la bibliothèque des arts décoratifs, des DVD, les jardins de Florence, de Rome, et les cafés de Pigalle. Hélène Delprat ne parle jamais de sa peinture, elle est toujours à sa périphérie, aux aguets.

Corinne Rondeau, extraits de L’univers est la cendre d’un dieu mort.

Son travail est traversé par les questions de la représentation, de la mémoire, de la transmission, de l’enregistrement. Les images-énergie qu’elle propose – quel que soit le médium choisi – déclenchent des constellations et des arborescences, des associations figuratives et conceptuelles qui ne sont pas loin d’engendrer parfois des effets d’inventaire.

Hélène Delprat est tel un personnage sorti de son œuvre, sensible aux dandys, aux extravagants et à tous ceux qui sans arrogance chérissent autant le vrai que le toc. Sans cesser de s’interroger sur le bric-à-brac dont nous sommes faits, elle s’applique à ne pas rester figée dans un monde qu’elle fabrique et s’en extrait en réalisant aussi des documentaires et des interviews. Sa singularité et sa curiosité en font une artiste totalement à part dans le panorama artistique contemporain.

Là, vous croiserez des œuvres entre merveilleux et monstrueux... A s'y perdre comme en une forêt de songes et de cauchemars. L'œuvre d'Hélène Delprat témoigne de sa créativité-éponge, qui digère le réel pour en donner une image absolument personnelle. 

Maxime Duchamps, le 23/06/17

Hélène Delprat - I Did It My Way -> 17/09/17
La Maison Rouge 10, bd de la Bastille 75012 Paris