Le (chic) Freak de Daniel Richter chez Ropac

Le nouvel ensemble de toiles, Le Freak, est une suite logique à la série Hello, I love you (2015-2016, Kunsthalle Schirn, Francfort), qui constitue une rupture radicale avec le style développé par l’artiste au cours des dix dernières années. « Je voulais prendre mes distances avec un certain type de narration et m’éloigner d’une approche théâtrale ainsi que du fardeau de savoir ce que j’allais faire par avance » déclarait récemment Daniel Richter dans un entretien avec Poul Erik Trojner.

Louisiana -  Daniel Richter

Thaddeus Ropac présente Le Freak,exposition de nouvelles œuvres de Daniel Richter dans son espace du Marais. Cette exposition coïncide avec une rétrospective de son travail présentée successivement au Louisiana Museum de Humlebaek, au 21er Haus de Vienne et, à partir du 1er juillet, au Camden Arts Centre de Londres.

Dans ces nouvelles peintures, les figures et les formes sont plus explicites que dans la série de 2015/16, tout en conservant un degré d'abstraction, renforcé par les dégradés de couleur à l’arrière-plan: «C'est une étape presque logique dans mon travail que de n'avoir plus que des bandes en arrière-plan qui façonnent un faux horizon comme dans une peinture de paysage «sublime». [...] et puis il y a des éléments qui partent à la dérive, car je voulais situer mon travail quelque part entre un mouvement extrême vers l’avant et un mouvement extrême vers l’arrière", explique Richter.

Bienvenue dans la réalité - Daniel Richter

Des lignes tracées au crayon gras délimitent des zones colorées d’où émergent des formes dans des poses pseudo-pornographiques. On aperçoit des jambes écartées, des dos cambrés, des mains agrippées, des bouches largement ouvertes. Richter explique : «Je suis intéressé par la surface, par la planéité de cette constellation de figures enchevêtrées et figées dans un va-et-vient». (P. 109) Une impression de mouvement et de fusion se dégage de l'interaction des couleurs vives et des contours lestes qui relient les silhouettes entre elles. Un sentiment de bestialité émane des étranges postures pornographiques et des visages distordus. Les traits expressifs mais non individualisés frôlent le grotesque ; leur étrangeté fait écho au titre de l'exposition. Le Freak n’est pas seulement une référence à une chanson disco des années 1970 (Richter utilise fréquemment des références musicales dans ses œuvres) mais révèle aussi son admiration pour le travail surréaliste et satirique de Jack Bilbo (1907-67), un artiste allemand méconnu, également galeriste et patron de bar. À l'instigation de Daniel Richter, une exposition conjointe de leurs travaux a eu lieu à la Fondation Max Liebermann en avril / mai 2017 à Berlin.

Chez Richter, l'imagerie pornographique est une source d’inspiration et un modèle de base  servant à explorer l'énergie, le mouvement, la surface et la couleur. Pour l'historienne d'art Eva Meyer-Hermann, l'artiste capture et reflète aussi la marchandisation du désir dans notre quotidien sur-stimulé. En 2015, dans son essai pour le catalogue de l’exposition de Daniel Richter, Hello I love you, elle écrit: «Les figures humaines ainsi que leurs potentielles relations interpersonnelles sont dissoutes. Dans une démarche proche de l’art post-internet, leur nouvelle présence picturale engendre un commentaire sur la disparition de la vie privée et de l’individualité, qui ont été noyées dans une course à la consommation alimentée par la promesse de satisfaction universelle du désir. »

Les œuvres de Daniel Richter sont présentes dans de nombreuses collections publiques, notamment celles de la National Gallery of Canada à Ottawa, du Louisiana Museum à Humlebaek, du Centre Pompidou à Paris, de la Kunsthalle Kiel, de la Kunsthalle Hambourg, à la National Gallery de Berlin, au Kunsthalle de Stuttgart, au Museum of Fine Arts de Leipzig, au Gemeente Museum de La Haye, à la collection de la République Fédérale d’Allemagne à Bonn, au Museum of Modern Art de New York, au Denver Art Museum, et au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg.

Bill - Daniel Richter

Tous ces commentateurs sont de gros neu neu… Il me semble que le passage du pornographique qui fait référence autant à Balthus qu'à Bacon est une suite logique de l'imagerie politique précédente qui jouait au surréalisme avec les armes du réel en mixant Erro et Ernst ou Matisse. L'insoutenable du contemporain siglé Trump ou Macron trouve bien ses échos dans les amas de chair de Bacon ou les distorsions de Balthus. Mais au moment où les réseaux sociaux interdisent les images du corps, Richter a deviné qu'il fallait en revenir au fragment.

JP Simard avec galerie le 22/06/17

Daniel Richter - Le Freak -> 29/07/17
Galerie Thaddeus Ropac-Marais 7, rue Debeylleme 75003 Paris