Le BAL de Magnum est ouvert… c'est Magnum Analog Recovery

Pour fêter ses 70 ans, Magnum expose au BAL des tirages cartoline souvent inédits; tirages d'époque en l'état. Ces fameux/inconnus/ retrouvés tirages sont donc les Magnum Analog Recovery, tirages anciennement envoyés aux agents européens de Magnum pour diffusion à la presse, de 1947 à la fin des années 1970. Voyage dans l'Histoire, de l'après Seconde Guerre mondiale à la fin des 70's qui voit la primauté de la télé sur les magazines.

Alex Webb, Nuevo Mexico, 1978 © Alex Webb/Magnum Photos

« Le métier de photographe, c’est d’être entre pickpocket et funambule. »  - Henri Cartier-Bresson

Cornell Capa, John F. Kennedy saluant une foule de supporters, North Hollywood, Californie, septembre 1960
© Cornell Capa © International Center of Photography/Magnum Photos

Non contents d’avoir imposé le copyright en photographie, ses fondateurs (Capa, Cartier-Bresson, Rodger, Seymour et Vandivert), ont imaginé un statut, inédit à l’époque, de coopérative, encore détenue aujourd’hui à part égale et uniquement par ses photographes membres. Il y a quelques mois, les photographes m’ont demandé d’ajouter une pierre à cet édifice si souvent célébré, publié, exposé. Au même moment, un fonds de milliers de tirages d’époque était enfin rendu accessible : Magnum Analog Recovery. Conservé dans les archives de Magnum à Paris dans des boîtes au nom de chaque photographe, ce fonds rassemble des tirages cartoline envoyés aux agents européens de Magnum pour diffusion à la presse, de 1947 à la fin des années 1970.

Robert Capa, Les troupes américaines à l’assaut d’Omaha Beach le jour du débarquement, Normandie, France, 6 juin 1944
© Robert Capa © International Center of Photography/Magnum Photo

Ce fonds remarquable ne contient pourtant qu’une infime part des centaines de milliers de tirages distribués sur plus de 30 ans par le bureau de Paris et, bien souvent, les images les plus célèbres manquent. De même, les tirages sont rarement légendés, le texte et les légendes tapés à la machine qui les accompagnaient n’ayant pas toujours été conservés. Un champ immense s’ouvre donc aux chercheurs.

« La guerre est terminée. Les quatre membres fondateurs de Magnum se retrouvent sans travail. Ils décident alors de créer un « club fraternel », une agence de presse qui exigerait des magazines de ne pas recadrer les images, de ne pas modifier les légendes, de rester fidèle à l’intention éditoriale du photographe. Désormais, ils décident de ne plus être dépendants des commandes d’un seul magazine, mais de vendre leurs reportages aux titres du monde entier : un plan grandiose pour des photographes au chômage. » — Cornell Capa

Magnum Analog Recovery / David Steele-Perkins, l'Angleterre

Pour ma part, j’ai éprouvé une joie intense à parcourir ces boîtes en flâneur, déambulant dans la grande histoire comme dans celle de chaque photographe, comme on parcourt un album de famille, vaste comme le monde et intime comme un miroir de poche. Quelques icônes, choisies au milieu de beaucoup d’autres, y côtoient une matière brute plus rare : des pépites peu ou jamais publiées, parfois oubliées des photographes eux-mêmes Pour accompagner la découverte de ces tirages, exposés au BAL pour la première fois, seuls les mots des photographes m’ont paru légitimes. Ils évoquent la question centrale de la position (éthique, politique, sensible) du photographe face à son sujet, qui trouve sa traduction formelle dans le placement des corps dans l’espace du cadre. Se confrontent ainsi au fil du temps, autant d’approches contradictoires du métier de photographe. Un envers du décor, parsemé de doutes et de tensions, qui rend plus vibrant encore le parcours de ces témoins du transitoire.
Diane Dufour (actuelle directrice du BAL et ancienne directrice de Magnum)

Les 30 premières années de Magnum correspondent à une période charnière de l’histoire mondiale : le passage d’un monde d’après-guerre au monde fracturé des années 80 et d'après. Dans ce contexte, se précise chez Magnum l’évolution du métier de photographe où le recours massif à la forme relativement standardisée du reportage, publié dans la grande presse illustrée (Life, Look, Picture Post…) se voit lentement réinventé, à partir de la fin des années 1960, vers des formes narratives plus libres, plus personnelles, notamment grâce au support du livre et des expos qui ne sont plus alors uniquement d'art, comme pour Cartier -Bresson à ses débuts, mais plus larges; la fonction documentaire du début (montrer la guerre ou les révolutions ) passant, comme dans le nouveau journalisme, à s'approprier le sujet avec un point de vue. Le dispositif de l'exposition y est pour beaucoup qui expose les cartoline en l'état sur des panneauxreconstituant fois X les boîtes desquelles elles sont issues. Quelques fois anonymes, d'autres avec moult explications. Plaisir d'offrir, joie de recevoir

L’exposition livre ainsi une vision alternative et très subjective de l'agence et de ses photographes, loin de l'habituel mythe auto-proclamé (et gonflant); vision plus ambiguë, plus complexe, plus contradictoire et forcément plus libre. J'avoue pour ma part, un amour immodéré pour les deux clichés en haut de l'escalier du BAL, clichés dus à Koudelka et totalement abstraits qui marquent la frontière entre deux états - et pas seulement de la photo montrée…

Jean-Pierre Simard (avec L.D) le 5/05/17

M.A.R. / Nixon à Moscou d'Elliott Erwitt

Comme les précédents ouvrages des expositions Lewis Baltz - Common Objects et Provoke, Magnum Analog Recovery a été conçu par Diane Dufour et Pierre Hourquet (Temple).

Du D-Day de Robert Capa (1944) à Telex Iran de Gilles Peress (1979), Magnum Analog Recovery propose une traversée singulière de l’histoire des 30 premières années de Magnum, déployée sur 231 tirages d’époque. Non académique et non officielle, cette déambulation dans les arcanes de la coopérative est un voyage sensible à travers les plis du temps. Reproduites dans un classeur évoquant les boîtes d’archives dont elles sont issues, les icônes du XXe siècle côtoient de nombreuses images inédites d’Henri Cartier-Bresson, Eve Arnold, René Burri, Elliott Erwitt, Alex Webb ou encore Gilles Peress.

M.../ David Hurn


Cette imbrication entre images uniques, séries et narrations est matérialisée par l’enchevêtrement de feuillets simples ou de carnets, qui se déploient parfois en affiches au fil de la lecture. Un jeu entre ce qui est donné à voir et ce qui peut être révélé s’offre au lecteur, à l’image de la recherche dans le fonds ayant mis au jour les pépites de Magnum ainsi qu’une matière brute plus rare et tout aussi précieuse. Les textes de Magnum et les citations des photographes (notes, extraits de correspondances ou d’entretiens...) ponctuent la séquence.

Magnum Analog Recovery, de Diane Dufour et Pierre Hourquet, éditions LE BAL
231 images, 232 pages Noir et Blanc, 32 citations et documents.
En français ou en anglais.
En vente exclusivement au BAL Books et sur www.lebalbooks.com

Couverture du Magnum Analog Recovery du BAL

Magnum Analog Recovery -> 27 août 2017
LE BAL,  6, impasse de la Défense 75018 Paris