Mother's Finest, les oubliés du funk d'Atlanta

Totalement oubliés aujourd'hui, en dehors du cénacle des funkers fondus, Mother's Finest a pourtant représenté à un moment une certaine idée du funk, en y inventant la fusion. Oui, mais bon c'était à Atlanta et au milieu des années 70. Depuis, la ville a accouché d'Outkast, de Gucci Mane et autre réjouissances hip hop comme Childish Gambino.

Au début des 70's, Mother’s Finest avait le total look funky, à la suite de Sly & the Family Stone: multi-racial, avec des écharpes balaises à la Aerosmith et des cuissardes. L'idée était alors de pousser le funk,  comme/avec Parliament, vers des contrées plus rock, mais gardant le groove bouge popotin. un truc qu'ils firent si bien qu'on avait du mal à faire la différence quand ils faisaient les premières parties des Who ou d'AC/DC.  Et c'est peut-être à cet écart qu'on doit leur oubli, en partie; quand le rock US le plus lourd a repris ces recettes à son profit à (tenter de) funker binaire.

Le groupe fondé en 1970 reposait sur les vocaux combinés de Glenn Murdock et Joyce Kennedy et s'est forgé rapidement une grande réputation scénique avec son parti-pris hors registre, entendre pas ciblé pour les charts, et une vraie musicalité qui tenait la scène avec panache. Le problème étant a qu'avec sept albums au compteuret les entrées successives de singles dans le Billboard, ils n'ont jamais dépassé les profondeurs du classement (entendre au dessusdu Top 50…) et n'ont jamais convaincu le grand public des radios généralistes. Ce qui ne reflète en rien les efforts déployés pour se renouveler etcomposer des trucs consistants. 

Il faut dire qu'ils mettaient la barre assez haut, à vouloir rivaliser à la fois avec Parliament et son funk mastodonte - tout en égalant les prouesses pyrotechniques rock de MC5 … Mais bon il faudra quand même attendre Gorillaz pour que le mélange fonctionne et soit reconnu par le grand public. Donc, dur d'avoir 20 ans d'avance quand on ne peut pas l'expliquer au public concerné. On passe ainsi de You Move Me, ballade jazz/gospel aux vocaux splendides à une tuerie hard et R'n'B comme Monster People; un truc qu'aurait pu composer Black Sabbath s'ils avaient voulu groover …  voir Fire , genre rock Detroit style avec vocaux soul(qui pourrait être un titre des Bellrays aujourd'hui.)  ou Living Hero en autre ballade R'n'B assez killer et aussi Baby Love et son clavier mammouth qui écrase les stries…

Le second album (77-83)de la compile les voit évoluer en période disco sans vraiment quitter leur axe funky-soul avec Hard Rock Lover ou réviser l'Airplane à leur manière sur un Somebody to Love live.  Cet album est plus pop (entendons-nous bien) à leur manière à s'essayer new wave et synthétique. Mais on les retrouve à la fin bien funky sur un bonheur d'électro-funk titré  Everybody Needs Somebody, toujours capable aujourd'hui de faire onduler quelques bassins… Donc au milieu de ce sandwich/salade façon César (mais pas celui de Pagnol), on a une vision en creux d'un groupe qui a évolué en sinuant au milieu des modes, sans vraiment en être. Grandeur et décadanse, comme disait machin. Mais ça réserve quelques perles - à vous de voir lesquelles. 

Jean-Pierre Simard le 30/03/17

Mother’s Finest – Love Changes: The Anthology 1972-1983 - SoulMusic Records