Passé sous le radar : Mondkopf a cauchemardé le Bataclan

On n’attendait quasiment plus de nouvel album de Mondkopf. Le Parisien semblant vouloir se consacrer à d’autres projets (poke Autrenoir) et continuer d’explorer son amour pour le grindcore et autres musiques extrêmes depuis 2014. Et puis, avec les attentats de Paris, une nécessité de composer, de s’exprimer à nouveau, ont donné naissance à ce nouvel album, They Fall But You Don’t.

Sorti fin février dernier, le douloureusement nommé They Fall But You Don’t prend en effet pour point de départ une jam enregistrée à chaud le triste soir du 13 novembre, que l’artiste ne pensait pas sortir un jour. Nous épargnant le grand-guignol qui aurait semblé indécent sous une telle thématique, Mondkopf livre au contraire une œuvre modeste et se cantonne à un éventail sonore restreint. Par le langage et l’instrumentation choisis, ce cinquième album n’échappe pas aux codes de la synth-music instrumentale dans lequel il s’inscrit, mais on se détache assez vite de l’imaginaire SF associé pour goûter à l’innocence et au ressenti au cœur du projet. Mondkopf dénude ici ses compositions (le très épars Vivere parte III), renoue avec la mélodie sans se noyer dedans (Vivere parte VI, joli finale) et, surtout, s’épanche tout en conservant un lyrisme contenu – une qualité en voie de disparition sur la scène ambient et drone.

La recherche de l'accident et de la beauté dans l'imperfection sont deux choses que visent particulièrement les musiciens aujourd'hui, au point d'en faire parfois des poncifs du genre ou de cacher à peine une certaine forme de paresse. Mais quand on sait que le nouvel album de Mondkopf (le premier en trois ans en solo) a été enregistré au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, on se doute que c'est plus par nécessité que par intention construite que l'imprévisibilité de l'horreur lui a donné des envies de se mettre au travail rapidement.

Peu coutumier de la méthode brute, Paul Régimbeau s'est ainsi laissé aller à la spontanéité et à la quasi-improvisation lors de l'enregistrement de They Fall But You Don't, recueil de 6 morceaux décharnés relevant plus du carnet de bord que du format d'album classique. Le jeune homme a souvent dit envisager la musique comme un exutoire : la chose est particulièrement entendue ici, le disque présentant une série de segments aux noms et aux intentions semblables qui ne semblent pas tant vouloir dessiner une esthétique précise que de se faire la bande-son d'un traumatisme autant que d'une sorte d'expiation - laquelle n'exclut donc pas d'entrevoir le salut au bout du tunnel. 

On obtient au final, un album aussi beau qu'aride, ramassé qu'élancé dans l'expression de ses sentiments contrariés et dans la synthèse de ses influences amassées au fil des années (du grindcore au doom en passant par le dark ambient ou des relents de shoegaze nocturne), lesquelles sont subtilement disséminées dans les coins et recoins du disque, tout autant qu'elles semblent désormais parfaitement digérées par son auteur. Bon point. 

Jean-Pierre Simard le 21/12/17
Mondkopf - They Fall But You Don't  In Paradisum