Nicolas Régnier, un Caravagiste à Nantes

La rétrospective, dans le patio du Musée de Nantes, des œuvres de Nicolas Régnier, peintre franco-flamand du XVIIe siècle, à la renommée romaine et vénitienne, est une exception dans la peinture de ce siècle qui ne voyait que des artistes attachés à leur mécène.

Nicolas Régnier - Jeune fille, vanité

Il se dégage des œuvres de Nicolas Régnier une autonomie et une indépendance qui reflètent l’état d’esprit de « La Bent » dont il intègre en « homme libre » le cercle des artistes étrangers à Rome. La Bent ? Une sorte de collectif, au rite initiatique autour de Bacchus, où émulation artistique et entraide sont de mise et permettent à la communauté de travailler leur art et de gagner leur vie. Portraitiste de grande qualité, Nicolas Régnier va pousser plus loin encore le caravagisme, en mêlant scène triviale et scène religieuse.

Nicolas Régnier - Ste Christine 

C’est le choix des modèles, la profondeur des clair obscurs et la subtilité des détails qui permettent à Régnier de rencontrer un vif succès à Rome. Les tableaux représentant David tenant la tête de Goliath ponctuent l’exposition et donnent à comprendre ce que l'époque commençait à faire avec ce qu'on appelait encore des "tableaux à sujet" : représenter des scènes bibliques avec les symboles obligés et connus de tous, mais en variant les postures, les couleurs, les effets, en y mettant de la modernité… 

Nicolas Régnier - David-Goliath

À Venise, Régnier va devenir plus sensuel, plus personnel aussi, alors qu’il répond pourtant à des commandes prestigieuses. L’exposition met en évidence la virtuosité du peintre, mais au-delà, et c'est le plus intéressant, elle cherche à éclairer sur la pratique concrète de l’art, ce que signifie être reconnu comme un "artiste"  par ses pairs, et ce qui sous-tend le dialogue permanent, obligé et parfois vif entre peintres que l'attrait d'un lieu réunit à un moment donné de l'Histoire. L’échange de propos sur le tableau de l’allégorie de la vanité de Régnier et celui de Bernardo Strozzi témoigne de cette richesse. Quand l’un choisit la représentation juvénile, l’autre préfère représenter la vieillesse, mais tous deux semblent bien tenir un discours identique, en livrant une sorte de double miroir et/ou de double regard, comme si les tableaux étaient des pendants, deux visages se regardant. Vanité, tout est vanité.

Nicolas Régnier - Homère 

Homme libre, Nicolas Régnier est peintre, collectionneur et marchand d’art à la fois, ce qui l'oblige à penser son époque, essayer de la saisir dans tous ses aspects, savoir ce qui plait aujourd'hui, évaluer ce qui plaira demain, mettre l'esthétique (et ses éventuels préjugés) à l'épreuve de ce qu'on appelle la valeur, muséale et marchande. Et cela est fascinant. 

Pour sa première exposition temporaire, le Musée des Arts de Nantes tient une belle promesse, celle de nous émerveiller au cœur de cette architecture qui nous accueille pour embellir notre quotidien. Grâce lui en soit rendue !

Nicolas Régnier - Vieille coquette- vanité

Vincent Eguor le 14/12/17

Nicolas Régnier, l’Homme libre -> 11/03/18
Musée des arts de Nantes 10, rue Georges-Clemenceau, 44000 Nantes.