Nicolas Boulard, homme tranquille, remet de l'espace dans l'art
Nicolas Boulard accorde un primat au vide, à l’espace, au temps et à la géométrie. Pourtant, en s’approchant de plus près, le regardeur perçoit dans l'exposition d’autres informations, qui elles, sont issues du Vivant, du monde sensible. De la terre, du fromage, de l’eau, du vin sont combinés aux formes strictement géométriques. Nicolas Boulard procède à des prélèvements dans différents paysages pour opérer à des rencontres improbables. L’ensemble de sa démarche fonctionne ainsi, par la rencontre, l’assemblage des antipodes, pour donner de nouvelles traductions à ce qui est mis en place.
À première vue, les œuvres de Nicolas Boulard s’inscrivent dans un héritage spécifique, celui de l’art minimal et de l’art conceptuel. Les formes sont géométriques, des cercles, des sphères, des polyèdres. L’artiste accorde une importance au vide, à l’espace, au temps et à la géométrie. Les œuvres traduisent alors une synthèse, une collision entre l’art minimal, l’art conceptuel, l’appropriationnisme, le land art, Dada, Fluxus et le surréalisme. De Donald Judd à Hamish Fulton, en passant par Jean Arp, Richard Long, Dan Flavin, Constantin Brancusi ou encore Joseph Kosuth, il s’empare des formes et des protocoles pour leur donner de nouvelles traductions.
La mobilité donne lieu à une relation entre son corps, le lieu dans lequel il s’inscrit et le processus plastique qui va rendre compte d’une expérience singulière. La méthode rencontre le sensible. Nicolas Boulard procède à des prélèvements d’eau pour donner la mesure de ses excursions, de ses dérives. Il rapporte à l’atelier un échantillon d’eau extraite du lac Léman. L’eau est présentée, telle quelle, entre deux plaques de verre encadrées. Au fil du temps et des conditions climatiques, elle évolue, des micro-organismes se développent, de la buée apparaît, un écosystème s’installe. À peine perceptible, elle forme une ligne, un horizon symbolique. L’œuvre constitue la première étape d’une série, où l’artiste s’emploie à récolter l’eau de paysages photographiés par Hiroshi Sugimoto. Nicolas Boulard part lui-même à la rencontre des paysages ou bien met en place des réseaux de coopération pour que les échantillons d’eaux lui parviennent. Les images originelles sont réduites à l’essentiel. L’eau devient un espace de projection. Il en est de même avec les œuvres formées de terre. Au mur, le diptyque intitulé Antipodes confronte deux cercles de bois recouverts de terre, l’une ocre, l’autre plus rousse.
En étudiant la carte du monde, Nicolas Boulard établit des zones antipodiques. Il décide alors de travailler à partir d’une terre située dans la région de Cadix en Espagne, tandis que l’autre provient du Mont Roskill à Auckland en Nouvelle-Zélande. Les deux cercles contiennent non seulement la rencontre inattendue entre ces deux zones, mais aussi leurs géographies, leurs cultures, leurs paysages, leurs histoires. En ce sens, il applique la psychogéographie telle qu’elle est définie par Guy Debord : « On mesure les distances qui séparent effectivement deux régions d’une ville, et qui sont sans commune mesure avec ce qu’une vision approximative d’un plan pouvait faire croire. »
Fils de viticulteurs, Nicolas Boulard est attaché au Vivant, aux paysages, aux gestes et aux sens. À travers ses œuvres il assemble des territoires pensés comme contradictoires, à commencer par l’exposition même, puisqu’elle porte le nom du pub voisin de la galerie Eva Meyer, The Quiet Man. Guy Debord et Robert Filliou l’accompagnent. Si au départ il avait pour souhait de relier la galerie et le pub par le biais d’une porte, d’un passage secret, il a choisi de transformer le sous-sol de la galerie en un espace expérimental dédié à la rencontre, à la dégustation, à l’improvisation et à l’échange. Un espace informel ouvert à la dérive et aux possibles.
Maxime Duchamps ( avec Julie Crenn) le 9/11/17
The Quiet Man de Nicolas Boulard -> 06/01/18
Galerie Eva Meyer 5, rue des Haudriettes 75003 Paris