Bad Hombre, le one man drummer band électro d'Antonio Sanchez

Batteur pas manchot de Pat Metheny, quatre fois récompensé par des awards, créateur de la B.O. (remarquable) de Birdman, Bad Hombre le dernier album d'Antonio Sanchez à la fois bel objet et une chouette recherche sonore qui sonne férocement électro. Détails!  

Cet album, auquel il pensait depuis des années, il aura fallu qu'il épuise de nombreux agents immobiliers, agacés par son souci de trouver un immense sous-sol à la maison qu'il voulait s'offrir aux alentours de New York, avant de signer et d'en démarrer la production. Ce n'est qu'après avoir trouvé l'espace d'y construire un studio pour sa batterie qu'il a accepté de signer pour sa maison de Jackson Heights.

Si Bad Hombre s’ouvre sur un air mexicain ( sa patrie d’origine) il est vite recouvert par les nappes sonores, les lignes de basse et les riffs. Voilà d’où il vient et vers où il va. Et, ce vers quoi il nous entraîne est inédit, sauf qu’il a peut être été marqué par les expériences de Metheny et de son orchestrion, avec la même passion de créer seul de multiples trames de sons qui se juxtaposent.

Obsessionnel de l'improvisation, il construit jusqu'à trouver des schémas et des lignes qui lui permettent de transformer ses trouvailles en production, en passant par l'électronique. Mon home studio m'a permis de creuser en profondeur ce que l'écoute de gens comme Beck, Bibio, Hiatus Kaiyote, Björk, Little Dragon, Bonobo, Aphex Twin, Baths, Boards of Canada et d'autres m'avaient fait découvrir comme nouveaux paysages sonores. Et ces recherches, assez difficiles à  intégrer dans unset jazz normal m'ont aussi fait m'avouer que je devenais capable de créer des possibilités sonores dont seule ma créativité posait les limites.

Sanchez s’amuse en effet à créer des univers sonores basés sur des motifs répétitifs (Philippe Glass en tête), sur lesquels viennent se greffer des sons électroniques et surtout des riffs de batterie impressionnants qui replacent le batteur au centre du jeu. Le soliste pour une fois c’est lui. Celui qui fait chanter les peaux de manière parfois spectaculaire comme sur Fire Trail, moment culminant de « Bad Hombre ».  Antonio Sanchez est animateur et soliste. Celui qui donne du souffle à ce qui pourrait sans cela s’apparenter à une musique sérielle. C’est alors comme rentrer dans le laboratoire d’un savant fou et se laisser hypnotiser par son art. Certes on pourrait s’inquiéter de cette musique déshumanisée où les trames sont toutes électroniques et sans interventions d’autres musiciens. mais ce serait passer à côté d’un grand travail créatif qui suscite la pulse et l’imaginaire.


Dans ce travail exigeant du solo qui pourrait lasser, Antonio Sanchez parvient à ne jamais lasser. A toujours nous mettre en éveil; nous,  les cobayes volontaires d’une expérimentation sonore et polyrythmique.

Jean-Pierre Simard ( avec Jean-Marc Gelin) le 3/10/17
Antonio Sanchez Bad Hombre Cam Jazz records