Avec Jon Henry, la Pietà de Michel-Ange prend des couleurs

La Pietà de Michel-Ange, une Madone tenant un Jésus mort entre ses bras, est une des plus célèbres sculptures au monde; autant pour sa réalisation que pour la sensation qu'elle dégage. Voir simplement d'une mère étreignant son enfant mort. Pour sa série de portraits contextualisés, Stranger Fruit, le photographe américain Jon Henry réinterprète la Pietà en se servant de sujets afro-américains. Son travail est une réponse au massacre continuel d'afro-américains par des policiers qui soulève l'indignation depuis deux ans et entraîne de nombreuses manifestations. 

Un Jon Henry qui avoue que ses sujets de prédilection habituels sont la famille noire américaine dans tous ses états et les athlètes avec leur représentation dans l'art.  

Quant à Stranger Fruit, cela lui a été inspiré en réponse à l'ultra-violence déployée par la police qui a entraînée de nombreux meurtres d'afro-Américains. Quand ces atrocités sont survenues, il s'est dit que ces mères de familles ne méritaient certainement pas un tel sort, car leurs enfants n'auraient pas du mourir.   

Le projet transparaît au sein des clichés par la représentation donnée par les mères de leur émotions dans tout le pays. Ces mères représentées ici n'ont pas perdu leurs fils, mais comprennent l'importance de l'enjeu, car ceux-ci pourraient être les prochains à être abattus par la police. Et cela mérite d'être signalé. 

La démarche photographique suivie pour la série est la suivante : tous ces photos sont contextualisées et prises à des endroits où ces familles vivent ou travaillent. En montrant que ces endroits sont tous à risque, qu'il soient urbains ou non, cela sous-tend que les atrocités peuvent intervenir n'importe où. J'ai repéré et sélectionné des endroits propres et dégagés en gardant à l'esprit la taille des sujets et le fait que la mère voudrait ou non tenir son enfant dansses bras.  

Les sources d'inspiration du projet sont multiples. Au-delà de l'évidence de la Pietà de Michel-Ange, on trouve aussi que ses multiples interprétations allant du Titien à Bouguereau, en passant par les actualisations que sont Ain’t Yo Mama’s Pieta de Renee Cox et Behold Thy Son de David Driskell. De la même manière que les travaux de Kehinde Wiley et Hank Willis Thomas, se sont avérés importants dans le développement du projet.

J'espère que cette série va inciter les gens à continuer le dialogue, car il existe un vrai problème de la police vis à vis des minorités, dont il faut s'assurer qu'il soit reconnu. Ensuite, peut-être pourra-t-on envisager d'y trouver une solution collective. La tâche est ambitieuse, mais primordiale pour la nation.  

Pour terminer, je dirais que pour moi l'important est de me faire entendre et reconnaître au sien de ma communauté, que les photographes qui m'importent le plus se nomment Hank Willis Thomas, Jamel Shabazz et Jim Goldberg, et que la signification du mot photographie passe obligatoirement par la reconnaissance, l'apaisement et la force. 

Jean-Pierre Simard, adapté de FotoRoom, le 4/10/17

Jon Henry Stranger Fruit

Plus sur le travail de l'artiste, ici