Sorry, No Vacancy de et avec Kourtney Roy

Sorry, No Vacancy révèle un univers parallèle où l’imaginaire se déploie comme un filet sur les contours du monde. Dans la continuité de son travail, Kourtney Roy utilise sa propre image pour en faire un personnage dans un monde débordant d’associations et de scénarios étranges et mystérieux. Une cousine de Cindy Sherman à n'en pas douter… 

Née en 1981, dans l’Ontario canadien, Kourtney Roy est fascinée par la création d’une mythologie tragique du soi. Elle y imagine un univers intime où se côtoie merveilleux et mystère. Avec son écriture photographique, les lieux et espaces sont des sources d’inspiration dont la poétique souligne la banalité et le quotidien.

Dans Sorry, No Vacancy l’artiste a convoqué l’indicible dans les espaces immenses et isolés du Sud Ouest du Texas. Les décors de cette série sont des lieux en marges et transitoires : des autoroutes lointaines, des magasins de souvenirs abandonnés et des villes esseulées qui semblent flotter sur le paysage telles des images fantômes d’un passé révolu. Ces lieux deviennent le terrain de jeu de Roy qui se livre à ses rituels cryptiques de travestissements.

Affectionnant l’autoportrait et le postiche, Kourtney Roy se met en scène, le plus souvent seule, dans un rapport au monde aussi décalé que fantasmé. Les personnages qu’elle incarne sont tristes et impassibles, figés dans une existence ordinaire qui semble se faire l’écho d’une époque passée. Grandes étendues fantômes, décors cinématographiques, artifices de la culture populaire sont autant de réminiscences qui hantent ces images délectables. Un monde vernissé qui craquelle sous les accès d’autodérision chers à la photographe.

Ses images nous renvoient à celles du grand écran et à une iconographie collective qui englobe le cinéma, la mythologie et le folklore américains. De Ford à Lynch, en passant par Dennis Hooper (mais, pas Edward Hopper). Leurs références sont elles-mêmes des représentations, créant ainsi une spirale de signes auto-référentiels où les images en appellent d’autres ad-infinitum; une mise en abîme sous tension où la réalité et ses référents sont difficiles à distinguer. L’ensemble allie le réel au symbolique et au fictionnel où le possible se reflète dans un état éphémère créé et enregistré méticuleusement par Roy. Et l’on pense à André Bazin quand il écrivait à propos de la création d’ images aujourd’hui, « il ne s’agit plus de la survie de l’homme, mais plus généralement de la création d’un univers idéal à l’image du réel et doué d’un destin temporel autonome. »

Un peu comme un point fixe qui parierait sur le vide des images comme point de départ pour en construire de nouvelles.

Jean-Pierre Simard avec galerie le 2/10/17

Kourtney Roy - Sorry, No Vacancy ->28/10/17
Galerie Catherine & André Hug 2, rue de l’Echaudé 75006 Paris