Christopher Lasch : une pensée qui évite la pipole globalisation anti-culturelle

En (c)ouverture, un décollage d'Alex Twigg

« Aujourd’hui, il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous devons être conservateurs au sens authentique, conservateurs dans un sens qu’aucun homme qui s’affiche conservateur n’accepterait. » (Günther Anders)

On nous avait promis monts et merveilles, prospérité et bonheur pour tous dans notre monde moderne, ayant l’Économie pour unique religion. Et dans cette utopie moderne réalisée, la culture de masse aurait eu pour bénéfice de dissoudre les anciennes croyances populaires et de créer ainsi les conditions d’un réveil intellectuel des masses. Pour accéder enfin à une vraie liberté intellectuelle et politique, il aurait donc fallu se couper de ses racines (traditions, religion, groupe ethnique), soi-disant étouffoirs archaïques d’une pensée autonome.

Méfiez-vous des discours sur les supposés archaïsmes et la soi-disant modernité …

Dans ce court essai paru en 1981, et traduit en 2001 par Frédéric Joly pour les éditions Climats, après le passionnant "Culture du narcissisme" , l’historien et sociologue américain Christopher Lasch (1932-1994) souligne avec justesse, que ces liens traditionnels apportent toujours aux individus des ressources psychologiques et spirituelles indispensables à une citoyenneté démocratique, et une façon cosmopolite de voir les choses, par opposition à un point de vue déraciné, désorienté et pourtant devenu, au cours du XXe siècle, synonyme d’émancipation intellectuelle.

Dans la triste réalité de notre monde moderne, l’individu ne se libère de sa tradition que pour se plier à la tyrannie de la consommation et dela mode. La culture de masse apporterait, selon ses défenseurs, une plus grande liberté de choix : Vingt-deux ans après la publication de ce petit ouvrage, on mesure encore plus aujourd’hui à quel point cela est erroné. Dans un marché où le pouvoir économique et la capacité à façonner l’opinion sont concentrés dans les mains de quelques-uns, l’offre en fait se réduit, tout en cherchant à donner par le marketing l’illusion de la variété et de la nouveauté. L’assimilation totale de la culture aux exigences du marché, la perte des traditions et un renoncement dans l’éducation à enseigner le meilleur, entraînent en réalité la passivité intellectuelle et la confusion.

Ceux qui, à gauche, ont pris la défense de l’industrialisation de la culture, voulaient ne pas être perçus comme étant élitistes, ou ont même estimé que le niveau culturel d’une société était moins important qu’un niveau de vie décent. La culture en est ainsi réduite à «un simple passe-temps routinier destiné à nous distraire durant ces moments de temps libre devenus aussi vides que les heures passées à travailler.» Pour ne pas être élitiste, on a renoncé à enseigner ce qui se fait ou se pense de mieux, on a accepté l’idée d’une culture du pauvre.

Et enfin, soutenir la culture de masse et les media en pensant que l’on peut les instrumentaliser à des fins subversives, révolutionnaires ou critiques reste une illusion. Chistopher Lasch illustre, avec les travaux de Todd Gitlin sur l’opposition des étudiants à la guerre du Vietnam, que ceux qui ont essayé s’y sont cassé les dents, en étant récupérés et comme absorbés par les media eux-mêmes.

Culture de masse ou culture populaire ?  de Christopher Lasch, éditions Climats
Charybde2
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Christopher Lasch