Le Spengler opéra, des vanités à la guerre, avec Goya comme trait commun
Goya comme maître à photographier ? Etonnant non, pour une reporter de guerre… C’est bien le cas de Christine Spengler qui allie aujourd’hui en 2016 ses deux passions, celles des vanités, photo-montages mis en scène à l’espagnole avec force couleurs et son travail sur la guerre qu’elle a exploré depuis les années 70.
J’ai toujours cherché la mort. En faisant ce métier, lorsque j’ai appris qu’Eric, mon frère, s’était suicidé, à Saigon, en mars 73, j’ai eu l’impression que ma vie était terminée. Je me disais : je ne vais pas rester à la maison à pleurer, je vais au contraire aller témoigner, en exerçant ce que j’appelais « le plus beau métier du monde », mais inconsciemment, je voulais aussi provoquer la mort, pour rejoindre au plus vite Eric. Je n’ai jamais accepter de porter un gilet par balle ou un casque, comme le faisait les autres. Mais j’ai eu la « baraka », comme disent les arabes. La mort n’a pas voulu de moi. J’ai toujours voulu mourir, puis j’ai rencontré mon psychologue. Il m’a sauvé du désir de mourir en seul séance. Il m’a fait parlé d’Eric : l’enfance déchirée, le voyage au Tchad, le début de la vocation… et il m’a dit , les 5 dernières minutes, droit dans les yeux : « Mademoiselle, ne vous rendez-vous pas compte que si vous vous tuez, vous tuez Eric une deuxième fois ? Car qui parlera de lui ? Eric est vivant tant que vous vous êtes vivante. » Depuis ce jour-là j’ai tout compris. »
Franco-espagnole, élevée à Madrid et résidente occasionnelle d’Ibiza, Christine Spengler est photographe et romancière : Une femme dans la guerre (Editions des Femmes/Antoinette Fouque), Une femme dans la vie ; L’homme bleu et El abrazo. C’est une féministe convaincue qui décrypte le monde de cette manière. Elle a collaboré aussi bien à Associated Press, qu’à l’Agence Sygma, comme pour les quotidiens El Mundo et Paris-Match. Elles aussi couvert, du Tchad au Vietnam, de l’Irlande au Nicaragua, en passant par l’Iran et L’Afghanistan les principaux conflits de la fin du XXe siècle.
Malgré le danger, une femme a beaucoup d’avantages. Elle peut plus facilement cacher son appareil sous un voile, et elle est acceptée aussi bien par les femmes que par les combattants et les chefs d’Etat les plus terribles. Le regard féminin est plus tendre. J’ai toujours su voir et photographier l’espoir au milieu des ruines. Une de mes photos les plus célèbres montre un soldat qui fouille des enfants déguisés pour le carnaval. C’était en Irlande du Nord en 1972.
Le travail de Christine Spengler peut se lire comme une succession d’actes et de scènes où l’histoire intime, familiale, rejoint, la grande Histoire, celles des peuples et des nations en guerres. Autodidacte, Christine Spengler compose son œuvre depuis plus de 40 ans avec une ferveur presque enfantine et nous livre les clefs d’un monde où le sublime l’emporte toujours sur l’horreur, la vie sur la mort.
"Faire du sensationnalisme en photographiant des morts. C’est plus facile que de faire des images de victimes qui souffrent dans un bombardement ou à l’hôpital. Lorsque les gens regardent des photos en couleurs inondées de sang, ils ne se sentent pas concernés. Mes photos en noir et blanc sont plus pudiques et finalement plus émouvantes. Elles ont déjà fait pleurer. J’ai choisi d’émouvoir plutôt que de choquer avec des morts."
Citations de l’artiste extraites d’interviews et de son livre Une femme dans la guerre.