Le biomorphique sculpté pour toucher le ciel

Après le Land art et la performance, Tony Cragg s'attaque au biomorphique en couleurs et en volume spiralés. Maestria et volumes courbes sont au rendez-vous. Exposition à la Galerie Thaddeus Ropac Pantin

Depuis quelques années, têtes et visages constituent des leitmotive de l'œuvre de Tony Cragg, et ses sculptures sont rythmées par un puissant mouvement spiralé. Les strates et contorsions de la matière voient naître des paysages corporels faits de pleins et de vide,s comme dans un jeu de positif-négatif. Il conçoit ses sculptures à partir de «sédiments artistiques qui semblent provenir de strates temporelles de différentes ères» (Eva Maria Stadler, Tony Cragg-F.X. Messerschmidt, 2008.) L'étirement horizontal de ses formes biomorphiques rappelle les procédés employés par les futuristes Umberto Boccioni et Giacomo Balla pour recréer l'impression de vitesse, tandis que l'élan vertical des sculptures érigées en colonnesévoque Constantin Brancusi, qui tendait lui aussi vers une simplification des formes naturelles par l'abstrait.

L'exposition chez Thaddaeus Ropac réunit 25 nouvelles œuvres de Tony Cragg. Venu à la sculpture par l'entremise de la performance et du land-art anglais, sa pratique se distinguepar une étonnante richesse et créativité plastique. L'artiste se définit comme un «matérialiste», carle cœur de sa démarche réside dans l'exploration des matériaux. Entre ses mains, les objets récupérés et les déchets industriels, empilés, entassés, amoncelés, se prêtent à des interprétations inattendues. Dans ses œuvres récentes, il privilégie l'acier, le bronze et le bois pour créer des accumulations de strates quasi géologiques.

Que ce soit dans ses micro ou macrostructures, la nature constitue le thème dominant de l'œuvre de Tony Cragg au cours des dix dernières années, à l'instar des sculptures monumentales Must Be, 2012, Mean Average, 2014 et Contradiction, 2014, présentées lors de l'exposition. Pour sa série intitulée Early Forms et commencée à la fin des années 1980, Tony Cragg a réalisé un ensemble unique inspiré de récipients de toute sortes, de la gourde antique au tube à essai, en passant par le pot de confiture ; déformés et étirés en formes nouvelles, ces récipients, premiers artefacts créés par l'homme.

Au cours des années 1990, Tony Cragg fait évoluer ses Early Forms de manière de plus en plus complexe. Dans ses sculptures les plus récentes, l'artiste prolonge le concept initial de sa série, tout en poussant l'élasticité et le mouvement de ses compositions à un point tel qu'il devient difficile de croire qu'elles soient en bronze. La sculpture monumentale Stroke (2014), gigantesque coup de pinceau figé, semble exemplaire de cette recherche de dynamisme. Ses dernières sculptures se caractérisentpar une nouvelle manière de délimiter et modeler la forme, à l'œuvre dans Hardliner (2013), Parts of Life (2014), et Parts of Life II (2015), dont les surfaces extérieures semblent avoir été découpées presque sans effort.

Ses œuvres «ne sont pas des objets fermés, ils ne sont pas des ébauches totalement imperméables de réalités. Au contraire, leur façonnement particulier, leurs rongements perforants ou leurs lignes aventurées, tout cela les convertit en structures ouvertes, en béantes incitations à une hypothétique universalité.» (Demsothenes Davvetas, 2016). Tony Cragg se distingue par une quête incessante de formes inédites, mêlant les composants biomorphiques aux références technoïdes.

 

Tony Cragg   Sculptures   -> 30 juin 2016
 Galerie Thaddeus Ropac Pantin