Luísa Maita : bossa/no bossa + samba/no samba
Vous pensez que le Brésil est resté coincé dans le tropicalisme, la samba et la bossa ? Vous avez tout faux, car autant la pop que les DJ's sont ailleurs depuis des lustres, même s'ils n'oublient jamais le groove paresseux, comme c'est le cas avec Fio da Memoria, le second album de Luisa Maita.
En 2010, Luísa Maita de São Paulo a sorti son premier album Lero-Lero et elle est entrée dans la carrière familiale - Myriam Taubkin, sa mère est organisatrice de concerts et son père, Amado Maita, a sorti l'album de l'année - pour les connaisseurs, en 1972. Lero-Lero était dans la tradition paternelle, plein de samba acoustique que le producteur Tejo ( dans la veine de Fatboy Slim) a remixé, comme DJ Rapture.
Mais la suite s'est faite quelque peu attendre, pas qu'elle disparaisse de la scène, mais elle avait plutôt l'âme collaborative, à reprendre à sa manière Caetano Veloso et Elis Regina, faire des duos avec son ami Rodrigo Campos pour son premier album, ou encore chanter pour des événements comme les Jeux Olympiques de Londres et Rio, pendant que deux titres de Lero-Lero se voyaient participer la BO du film Boyhood de Richard Linklater.
Et puis, six ans après, arrive enfin Fio da Memória et ça valait le coup d'attendre. Vraiment. Ici, plutôt que puiser dans le fonds bossa classique et laisser les autres remixer son travail, elle a directement remis à jour les idiomes pris en compte avec sa bande d'amis. La résultat est un drôle d'album downtempo qui met sa voix en avant ; une voix de fumeuse aussi subtile que puissante. Et le premier titre annonce la couleur “Na Asa,” “Si tu veux renaître / Déploies tes ailes" sur fond de beat martial, avec des claquements de doigts et un tom basse aussi profond qu'aérien.
Accompagnée de ses musiciens : Samuel Fraga et Erico Thobaldo au tambour, Magno Vito à la basse, Rafa Barreto et Luis Cavalcanti à la guitare, Freddy Prince et Douglas Alonso à la percussion et Zé Nigro au synthétiseur, la chanteuse à la voix douce et chaude partage une belle intimité d’elle-même.
Sur la plupart des titres, le travail de production, des beats et le filtrage est confié à Tejo et Zé Nigro. Mais cela n'entrave jamais le son du groupe qui en profite sur le rapide “Porão” ou qui rajoute des volutes psychédéliques sur le morceau-titre. Ainsi, “Olé” démarre tranquille avec des accords de guitare, une cloche de vache et une basse avant de décoller sur les paroles de Maita sur sa propre liberté de femme : “Je vais me battre pour moi… et je vais trouver ce qui m'est propre. ”
Au final, on trouve une connaissance encyclopédique de la bossa rejouée en version 2016 comme sur le morceau-titre “Fio da Memória” qui joue de l'effet retard du synthé fuzz et de batteries programmées, transformant le son habituel en un idiome assez particulier, aussi étrange que familier. Un son qu'elle avoue avoir voulu développer après avoir grandi dans un environnement électronique et urbain qui accepte le sentimentalisme mais ne s'y arrête pas pour aller de l'avant. C'est carrément soyeux et virevoltant tout du long. Un régal !
Maxime Duchamps
Luisa Maita – Fio da Memoria (2016)