Passé sous le radar : le fabuleux Eduardo Mateo
Sorte de Syd Barrett ou de Skip Spence sud-américain, Eduardo Mateo a vu dernièrement son seul album solo intitulé Solo Mateo Bien Se Lame repackagé par les furieux de Light in The Attic. Et là, allons-y des superlatifs, cette vraie tuerie de folk précieux et allumé où la simplicité des moyens fait juste écho à l'illimité de la démarche et des trouvailles, hésitant suavement entre la "saudade" de la bossa-nova, les rythmes hagards du candombe et la séduction mélodique de la pop anglo-saxonne en vogue, s'offre une bienheureuse cure de jouvence. On s'explique…
Le son le plus moderne de la planète… engendrant carrément un nouveau folk à lui tout seul. Et qui donne une version acoustique du travail des Shins ou de Death Cab for Cutie. Les titres sont à la fois accrocheurs et indigènes, sortis d'une tradition magique, incroyablement à sonner frais et uniques, un vrai registre ouvert de la musique du futur. Devendra Banhart
Quand cet iconoclaste maniaque est parti à Buenos Aires en Octobre 1971 enregistrer ce qui allait devenir “Mateo solo bien se lame” il était dans une situation assez inhabituelle. Légende vivante de la musique uruguayenne, il était aussi un peu grillé pour ses prises de position acides sur la situation de son pays et son caractère légèrement atrabilaire. Mais le public voulait vraiment un nouvel album … Une demande pas vraiment aisée à satisfaire, tant la volonté de perfection de Mateo faisait qu'il effaçait tout ce qu'il enregistrait, jamais content du résultat; quand il daignait se pointer aux séances … Et, c'est par la seule volonté des deux ingénieurs son du studio, Carlos Píriz et Eduardo Rozas, qui ont choisi et produit les titres à la faveur de dizaines d'heures d'improvisation laissées surplace, que le disque existe dans sa forme actuelle.
Paru en 1972 à Montevideo, sur les rives du Rio de la Plata, l'unique album du songwriter uruguayen Eduardo Mateo a récemment bénéficié d'une belle réédition, enrichie de titres inédits. Eminemment populaire dans son pays natal, Mateo, décédé en 1990, demeure largement méconnu à l'étranger, alors qu'il a influencé bon nombre d'artistes latino plus renommés, tels que Léon Gieco en Argentine, ou Milton Nascimento au Brésil.
Son folk tout en sobriété, et pourtant clairsemé d'accords de guitare énigmatiques, tortueux, distille une magie singulière : hybridant les percussions du candombe, la musique traditionnelle des esclaves africains en Uruguay, à une pop acoustique douce-amère, teintée de psychédélisme, Eduardo Mateo évoque à la fois le Syd Barrett lunaire de 1970 et le génial bricoleur tropicaliste Tom Zé. Cet album est à ranger dans les rayons, du côté de Vashti Bunyan ou du Blue de Joni Mitchell. La grâce sans frein et le génie de la découverte en action. Genre d'album indispensable. Et je mâche mes mots …
Jean-Pierre Simard
Eduardo Mateo Mateo Solo Bien Se Lame, Lion Productions/ Light in the Attic