Anton Corbjin en quelques phrases sans clichés

Le projet Sous-Titres des éditions du Sonneur est de faire parler des gens à partir de la thématique de la collection : ce que la vie signifie pour moi. Clair, Anton Corbjin s'y colle sans langue de bois et avec un certain allant.

Lance Armstrong, Anton Corbijn

Quand j’étais jeune, je n’avais pas une grande estime de moi-même. La musique était la seule chose qui m’intéressait. Je suis né dans une île, j’ai grandi dans un environnement très religieux, où l’on s’autorisait peu de chose. Alors, quand la musique est arrivée dans ma vie, c’était comme un appel venant de l’autre côté de l’eau, qui disait : « Ici est la terre promise », et j’ai eu très envie de faire partie de ce monde-là – de ces gens qui avaient une vie beaucoup plus intéressante que la mienne, et beaucoup plus de liberté. Il y avait un mystère là-dedans : je ne savais pas du tout comment tout cela marchait et je voulais en savoir plus. Un jour, avant d’aller à un concert, j’ai emprunté l’appareil photo de mon père, sans réfléchir, juste pour avoir une excuse qui me permette de m’approcher de la scène. J’ai pris des photos, et j’ai réalisé que c’était pour moi un moyen formidable de faire partie de ce monde-là.
— Anton Corbijn

Christy Turlington, Anton Corbijn

portraits

Je n’ai jamais cessé de prendre des photographies. J’essaie de m’en servir à mon avantage, parce que la photo est un prétexte idéal pour rencontrer les gens. Marlene Dumas, par exemple, qui est peintre. Je me demandais : comment travaille-t-elle, comment fonctionne-t-elle, quel genre de personne est-elle derrière sa peinture ? Pour répondre à ces questions, j’ai essayé de faire en sorte de la photographier, et pour cela il fallait que je la rencontre, évidemment. Au fond, ce que je veux, c’est photographier un monde que je trouve intéressant. Et pour moi, il s’agit toujours de la sphère artistique : initialement des musiciens, et puis des acteurs, des metteurs en scène, des écrivains, des modèles... Et ces dix dernières années, des peintres surtout, parce que c’est chez eux que je trouve le plus de mystère. Le monde de la musique n’a plus guère de mystère, à mon sens. C’est fini. Le business a pris le dessus, et aussi les médias sociaux, ainsi que la façon dont ils fonctionnent : tout le monde balance tout sur Internet, tous les détails, et puis il y a tous ces magazines de ragots... Quand j’étais adolescent, je sentais qu’il y avait une grande chose très mystérieuse dans la musique et je voulais y plonger pour en savoir plus, mais cela a disparu.
— Anton Corbijn

Miles Davis, Anton Corbijn

Photos, pochettes, pub, clips, livres et enfin cinéma dans l'ordre, Corbjin s'est créé sa vie et a fait œuvre, sans jamais vraiment savoir où ni comment il y allait. En se dévoilant ici au fil de longues interview ( éditées rassurez-vous) on n'entend pas les failles de l'homme du noir et blanc, ni les couleurs d'Hollywood, mais un type qui se questionne toujours sur sa vie. Et c'est vraiment passionnant.

Anton Corbjin Sous Titres ( collection Ce que la vie signifie pour moi / éditions du Sonneur)