Waqf, la charité, et nous, l'homme vu par Ahmed Mater

Point de départ : admettre notre surprise de découvrir la possibilité de l’art moderne en Arabie Saoudite. Et même d’une oeuvre visiblement critique, comme cette "Evolution of Man" aux rayons X façon Man Ray où l’on passe sans beaucoup d’équivoque du pistolet en mode roulette russe à la pompe à essence sur la tempe et retour. Cela n'empêche pas qu'on y fouette des gens, qu'il n'y ait aucune liberté dans ce pays, ni pour les femmes, bien sûr, ni pour les hommes. Troublant. Très. De ce point de vue, nous avons été heureux d'apprendre qu'Ahmed Mater a pris le risque de témoigner en sa faveur au procès du poète et curateur palestinien Ashraf Fayadh, condamné à mort en Arabie Saoudite pour apostat. Il y a donc une solidarité de l'art moderne, petit point de résistance à l'archaïsme moral revendiqué du royaume wahabite.

Ahmed Mater vit, travaille, comme médecin, photographe (ses photos de La Mecque sont très belles), artiste, en Arabie Saoudite. Est-ce la médecine qui l’a conduit à voir à travers les hommes pour les représenter à l’os ? Ou une volonté de viser l’humain tout entier dans chaque oeuvre, hors considérations locales ? Comment expliquer facilement l’oeuvre de quelqu’un qui cite sa rencontre de Basquiat comme l’élément déclencheur, et se situe pourtant semble-t-il entièrement (crâne à part, certes une grosse différence) dans une tradition graphique musulmane dont toutes les subtilités nous échappent, comme dans cette série qu’il a appelée : Illuminations ? La lecture (indispensable) de commentaires savants nous apprend qu’il écrit dans ces tableaux des versets du Coran, plusieurs fois le mot Waqf, charité, et nous, n’y comprenant rien, désorientés, sommes bien obligés de nous dire que nous les trouvons, ces tableaux de mystère, immédiatement magnifiques, magnétiques.

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