Twigs (brindille)
Twigs, c'est Art of Noise, Portishead, Massive Attack, The XX, James Blake, le vogueing, lancés au ralenti sur une piste de danse : ce qui se fait de mieux cette année en pop music.
Twigs (brindille), plus formellement Tahlia Barnett, anglo-espanole-jamaïcaine, fut quelque temps la fille qui danse derrière les vedettes dans les clips, Kylie Minogue par exemple. Et CELA, c'est difficile à imaginer, tant on ne voit facilement qu'elle, ses manières de folle un peu froide, ses étranges mimiques de poupée de silicone, ses boucles de Josephine Baker, ses bijoux de déesse hindoue, sa manière de danser qui doit plus à la danse contemporaine et au Krump des rues noires qu'aux routines des Claudettes, fussent-elles passées par les cours de breakdance donnés à ses stars adolescentes par Disney Channel. Cette femme est tout à fait autre chose. Comme Madonna à ses débuts, il est probable qu'on l'ait d'abord regardée de haut, quand elle courait le cachet, car il faut vivre. On est dans une société snob, même si moderne, qui prend les folles de danse pour des caissières délurées, les dingues de mode pour des chômeuses déguisées, et les coiffeuses pour des connes. Ce que n'est pas du tout Twigs. Qui a commencé à se faire remarquer par une série de quatre vidéos bricolées sorties le même jour sur internet, inconnue totale au bataillon, et pourtant musicalement remarquable, car ce n'est pas tous les jours qu'on bouscule comme elle l'a fait un genre aujourd'hui aussi établi que la pop noire, qui n'a pas de nom propre, qu'on appelle encore par ses surnoms d'enfant : soul, r'n'b, alors qu'elle a tellement grandi en intégrant toute la modernité qu'on ne peut plus lui attribuer de codes. Twigs, c'est Art of Noise, Portishead, Massive Attack, The XX (elle est sur leur label : Young Turks), James Blake, le vogueing, lancés au ralenti sur une piste de danse. C'est ce qui se fait de mieux cette année en pop music. Qu'elle regarde Google Glass (très drôle), accompagne un ex dans les couloirs de la mort ("Video Girl"), accouche d'une autre féminité ("M3LL155X", clip gonflé de quinze minutes), Twigs dérange. Et la pop qui dérange, il faut la déclarer rare. Au bord de l'art.