Paul Beatty : Moi contre les Etats-Unis d’Amérique
La réincarnation de Mark Twain au XXI e siècle se nomme Paul Beatty. « Moi contre les Etats-Unis d’Amérique » c’est quoi ? Du moins c’est qui. Il s’agit d’un homme, fils d’un psychologue aussi tordu que passionné par son monde. Un homme ayant grandi dans le quartier agricole (!) le plus afro-américain de tout Los Angeles, le bien nommé « Dickens ». Un enfant élevé selon les préceptes de son père pour en faire un parfait noir américain, n’aimant que les noirs, et ayant le culte de la culture afro-américaine. Et, à partir de là...
Il s’agit d’un homme, fils d’un psychologue aussi tordu que passionné par son monde. Un homme ayant grandi dans le quartier agricole le plus afro-américain de tout Los Angeles, le bien nommé « Dickens ». Un endroit côtoyé par la star de cinéma local « Hominy Jenkins », qui se trouve être le plus important acteur afro-américain de sa génération. Cet enfant élevé selon les préceptes de son père pour en faire un parfait noir américain, n’aimant que les noirs, et ayant le culte de la culture afro-américaine. Un homme dont le père sera finalement le créateur du mouvement intellectuel « Dum Dum Donuts Intellectual » et qui sera abattu par la police. Alors comment casser l’image du père et s’imposer, quand on est le fils d’une icône ? Rien de plus logique que d’avoir un esclave et tenter de rétablir la ségrégation dans la jeune ville renaissante et jumelée entre autre avec la « Cité perdue des privilèges de l’Homme blanc », la grande, la resplendissante Dickens.
"Je ne sais pas quoi dire.
– T’as pas un diplôme de psychologue comme ton père ?
Non, je sais juste deux trois trucs sur les animaux et le fourrage.
Mince, se laisser fourrer par des animaux, c’est ce qui fait que ces garces se retrouvent dans la merde, alors tu ferais bien de trouver quelque chose à lui dire, à cette dinde."
Quand Paul Beatty se moque, il y en a pour tout le monde. Les cent premières pages sont juste hallucinantes d’humour et de cynisme : l’éducation de ce Noir-là devait être écrite ! Nous autres lecteurs, bien éloignés de cette réalité, prenons le parti d’en rire (et on rit beaucoup), mais il est aisé de penser que Paul Beatty fait grincer des dents. Comme dans American Prophet, il cible ces Noirs américains symbolisés par les fameux Oreos : noirs dehors, blancs dedans. Il fustige les Noirs plus blancs que Blancs, mais certains Blancs bien pensants en prennent aussi pour leur grade.
Certains passages sont tellement dingues ou loufoques, ou les deux, qu’on se dit que ce n’est pas possible, ce Paul Beatty en fait trop. Et pourtant, quand l’Oreo de service retraduit tout Huckleberry Finn en remplaçant systématiquement le mot « nègre » par « guerrier », on se dit que ce type a raison et que ce qu’il écrit là n’est pas drôle mais hyper réaliste et grave (on se souvient de l’universitaire Alan Gribben qui voulut expurger l’oeuvre de Twain du même vilain mot et le remplacer par « esclave »).
Rien n’échappe à Paul Beatty, ni l’hypocrisie, ni le politiquement correct. Il avait commencé poète, anthologiste de l'humour afro-américain et, depuis les géniaux Slumberland ou American Prophet, il est un auteur qui compte. Ce roman vous en donne la preuve par son délire compulsif, totalement maîtrisé.
Moi contre les Etats-Unis d’Amérique de Paul Beatty traduit de l’anglais par Nathalie Bru Editions Cambourakis, 2015