Nikon et œil charbon - Myriam Viallefont-Haas

On va dire que c'est un grand témoin des divers états du monde qu'il soit humain ou tout simplement minéral. Qu'elle y attache son regard à la plus profonde des humanités. Passant tour à tour du grand reportage à l'architecture et à la documentation, son classicisme du noir et blanc charbonneux n'en a pas fait une star. A tort, peut-être, car l'œil est aigü qui a su voir le détail que personne n'avait auparavant saisi.
 

Enfant porteur d'eau en Somalie/Myriam Viallefont-Haas

Enfant porteur d'eau en Somalie/Myriam Viallefont-Haas

Myriam Viallefont-Haas trace sa voie depuis 30 ans au sein de la création visuelle : peinture, édition, vidéo et, bien sûr, photographie sont devenues ses terrains de jeu privilégiés.

Dès les années 80, elle part comme reporter-photographe pour Médecins Sans Frontières, dans les camps de réfugiés en Somalie. De là, les voyages au long cours de se succéder : Namibie, Cuba, Cambodge, Chine… Elle en revient bardée d'images pour le fonds photographiques d'ONG et organise plusieurs expositions.
 

Chasse à la baliene en Islande/ Myriam Viallefont-Haas

Chasse à la baliene en Islande/ Myriam Viallefont-Haas


Entre deux reportages, elle travaille à la galerie contemporaine Studio 666, avant de se passionner pour la photographie d’art et d’architecture avec, comme thème récurrent, la nature et la protection du patrimoine environnemental (colline de Vézelay en Bourgogne) ou architectural (Plan de sauvegarde du Marais, à Paris). Dans les années 90, M.V.H réalise le plus grand fonds photographique existant sur la sculpture funéraire du XIXe siècle. Egalement graphiste, elle collabore à de nombreux ouvrages d’art pour la RMN, Réunion des musées nationaux, Hazan, le musée Rodin, Picard… Elle conçoit aussi des jeux culturels et des ouvrages pour la jeunesse.
 

Shangaï- Le Bund/ Myriam Viallefont-Haas

Shangaï- Le Bund/ Myriam Viallefont-Haas

« Je suis une exploratrice-photographe qui vous emmène en voyage » aime-t-elle affirmer. Voyage musical, cette partita visuelle à quatre temps dansés à laquelle la photographe nous convie ensuite de compositions photographiques réalisées lors de ses reportages aux quatre coins du monde. Chacune possède sa propre sonorité, sa propre coloration, son propre tempo, que le noir et blanc sublime : de la lumière cubaine à celle de Séville, du graphisme cubiste de New York aux humains tellement humains de Somalie, des splendeurs marmoréennes du Père-Lachaise à l’exubérance des enfants cambodgiens. Mais toutes racontent une parcelle de notre humanité.

Son travail s’inscrit résolument dans la lignée des photographes humanistes. Parmi ses maîtres à photographier, elle cite volontiers Walker Evans, qui définissait son rapport au monde ainsi : « Je ne cherchais rien, les choses me cherchaient, je le sentais ainsi, elles m’appelaient vraiment. » Elle partage avec lui cette exigence du réel, comme avec Cartier-Bresson ou Willy Ronis. Au cours de ses années de formation, sa culture visuelle s’est étoffée au contact de grands noms comme Dieter Appelt ou John Coplans, ce dernier qu’elle a côtoyé à la célèbre galerie du Studio 666 où elle a travaillé plusieurs années.
 

Jeux d'ombres en Somalie/ Myriam Viallefont-Haas

Jeux d'ombres en Somalie/ Myriam Viallefont-Haas

Chez cette artiste totalement visuelle, la référence littéraire n’est jamais très loin. Lorsqu’elle part en Afrique pour photographier les camps de réfugiés, elle se souviendra desLettres d’amour en Somalie de Frédéric Mitterrand. Et au fil des escales en images que présente cette exposition, le spectateur se surprend à penser à Hemingway, Pasolini,  Pierre Loti et son Pêcheur d’Islande, à Malraux et sa Voie royale… mais aussi à Musset, Balzac, Baudelaire… comme si la lecture de ces écrivains illustres avaient ouvert une porte à la photographe en herbe, offert la possibilité de quitter le monde du silence de son enfance pour découvrir les beautés du monde. Depuis, Myriam Viallefont-Haas a mûri, mais sa soif d’images ne s’est jamais tarie. Son regard a gardé l’acuité de ses débuts : ses yeux noirs d’escarboucle, tour à tour rieurs et d’un sérieux scrutateur, savent happer la réalité comme personne, doués qu’ils sont pour saisir l’insaisissable. Viallefont, paraît-il, signifie en occitan « le chemin de la fontaine ».

Partita de Myriam Viallefont-Haas,  éditions Carré/ distrib la Découverte

UN caissier à Cuba/ Myriam Viallefont-Haas

UN caissier à Cuba/ Myriam Viallefont-Haas