Déception au Grand Palais Ephémère pour Paris Photo 2023
Paris Photo est, pour les professionnels, la première foire mondiale dédiée à la photographie et à son marché. Depuis plusieurs éditions, elle se tient au grand Palais Éphémère, devenu trop exigu. La pluie aidant à rester au contact des œuvres exposées, les 191 galeries ont présenté leurs artistes connus, un certain classicisme était de retour - ainsi que le Noir et Blanc -, malgré une ouverture à l’image numérique et à l’intelligence artificielle, qui, la saison dernière, avait beaucoup fait parler d’elle.
Didier Fusillier, Président de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais écrit dans la présentation du salon: « Pour sa 26e édition, Paris Photo revient une troisième fois au Grand Palais Éphémère. En se dotant d’un nouveau secteur digital consacré à l’art numérique, la première foire internationale dédiée à la photographie repousse encore les limites du médium pour mieux penser son avenir. L’essor récent des intelligences artificielles génératrices d’images modifie considérablement la pratique de la photographie et rend le regard singulier de l’artiste encore plus essentiel, qu’il choisisse d’intégrer ces nouvelles technologies dans son travail ou au contraire de marquer une rupture. Paris Photo participe ainsi à la réflexion contemporaine sur le futur de la culture et des arts, à laquelle le Grand Palais Éphémère a déjà contribué en accueillant trois éditions de Palais Augmenté, premier festival dédié à la création artistique en réalité augmentée et aux innovations culturelles immersives. »
Notre Ministre de la Culture, Madame Rima Abdul Malak quant à elle déclarait : »Je tiens aussi à saluer l’engagement de Paris Photo pour les femmes photographes, marqué par la participation de Fiona Rogers, commissaire au sein du Victoria & Albert Museum de Londres, à la 6e édition du parcours Elles x Paris Photo. »
Propos développé par Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo qui déclarait: « Paris Photo est au cœur des problématiques contemporaines et a vocation à répondre aux nouveaux enjeux liés à l’évolution de l’image. Cette édition introduit des orientations curatoriales originales, et questionne les limites du médium. Un nouveau secteur, dédié à la photographie dans l’ère digitale, sous le commissariat de Nina Roehrs, présente des artistes qui intègrent les pratiques numériques dans leur œuvre. Promouvoir la diversité artistique, l’innovation technologique mise au profit des artistes qui bénéficient d’opportunités de création stimulantes, l’accessibilité pour ouvrir les horizons et partager avec de nouvelles audiences, sont des leviers essentiels pour explorer l’évolution de la photographie, à la frontière de l’art et de la technologie. » Puis à parfaire l’intention politiquement correcte, « Paris Photo est une foire engagée, y compris dans les problématiques environnementales, pour faire réfléchir, éduquer, offrir au plus grand nombre de nouvelles perceptions du médium sans renier son histoire, et nourrir les échanges. »
ANNA PLANAS, Commissaire du secteur Curiosa, présentait 16 projets sans liens directs entre eux, mais illustrait ces nouvelles manières de travailler le médium, de la photographie documentaire à la performance, proposant in fine un voyage intuitif et visuel, attestant de l’engagement des artistes au-delà des frontières. « À la croisée du documentaire et de la mise en scène, certains travaux nous confrontent aux problématiques contemporaines qui traversent notre société. Felipe Romero livre des images sur la mémoire, l’espoir, les frontières, et l’exil et nous plonge dans la routine et le temps suspendu d’un groupe de jeunes migrants marocains qui viennent de traverser la mer. Hoda Afshar photographie des Iraniennes vivant en Australie, et qui, comme elle, suivent les soulèvements à distance. Ces portraits de femmes qui tressent leurs cheveux – inspirés du mouvement Femme Vie Liberté et des images partagées sur les réseaux sociaux – sont le reflet d’un geste à la fois intime et révolutionnaire. »
Pour ma part, étant venu en douce heure, hanter les cimaises de Paris Photo Novembre 2023, tout enthousiasme bu, à l’écoute des propos enthousiastes et assez armés, je me suis promené en essayant de garder un regard qui puisse encore faire éveil et mémoire… Paris Photo est un immense salon qu’il faut saluer et connaître, cependant c’est principalement l’invisibilité de sa gestion qui rend au collectionneur une sorte d’aisance et de pratique aisée et confortable à sa déambulation, à ses visites, ses coups de cœur. Tout a été royalement pensé pour faire de cette manifestation à la française la plus grande foire internationale dédiée à la photographie et au marché de l’Art. Les résultats sont parait-il à la hauteur des espérances, c’est dire que le succès est gagnant.
A Paris Photo Novembre 2023, il y avait foule, full attention please, full collectionneurs, full people, full photographers, publishers, gallerists, FULL photography, proche de l’overdose…et pourtant… une stimulation improbable, nauséeuse parfois, capricieuse, comme une fièvre, endémique, brulait dans un feu coupable… l’asphyxie du trop plein, du trop c’est trop, mon coco… il est temps que la Foire retrouve un Grand Palais rénové, ouvert au ciel et à l’air, à la lumière et à l’espace, afin que la connivence opère encore avec le charme de cette photographie, au multiple langage, séduisante, formelle, témoin, subjective, traces et mémoires, historique, aventureuse, authentique, pertinente et n’en déplaise, tentatrice…Comme on voudrait bien en posséder une pour mettre dans son chez soi à soi, à soies, assis… un petit Man Ray a plus de cent mille par exemple, le portrait de Baudelaire, un Richard Avedon, un Leslie Krims, un Fonseca, etc…
Que manquait-il à Paris Photo Novembre 2023, pour que le charme opère au delà du nombre et de l’intelligente attention qui débordait, partout. Présence du nombre, du sur-nombre, de l’inflation des propositions, des 191 galeries représentées, même si une certaine profusion établissait ce côté Foire Internationale dans ses langues, ses corps croisés, ses intonations, dans une courtoisie toute relative et dans l’effervescence de son déploiement. Cette édition number 26 était folie douce, retour au Noir et Blanc, au classicisme, à la provocation formelle et entendue, les années 60/70 répondant aux années 20/30, dans une continuité où les miroirs renvoient à la conscience individuelle des drames et de l’enchantement de la vie, sociale, culturelle, politique, intime, ou la question identitaire réfracte l’attention majeure d’une création visuelle qui se focalise sur cette histoire propre, mensonge et vérité, fantasmatique du rêve majeur, lecture du rêve de soi, mise en scène, artefacts, visions du monde, témoignages, Dé-lires esthétiques, provocations, mises en scène, cernant une société traversée par la représentation, les médias, la mode, l’érotisme, le portrait, le paysage, la ville, essentiellement américaine, et là, dans cette édition la place des femmes, artistes passant à presque 40% de présence, avec des œuvres militantes, réflexives, engagées, pertinentes, virales. Le Parcours Elles X leur était dédié avec, entre autres cette saison, un livre paru aux éditions Textuel, ELLES, retraçant le parcours sur ces cinq dernières années des artistes femmes engagées, ayant contribué à cette aventure, pour le plus grand plaisir de « tous »… .
Faire le tour de Paris Photo est devenu impossible. Pour preuve, il suffit de consulter le nombre incroyable de débats, signatures, forums, conférences et rendez-vous pour se rendre compte de la gageure du projet. Se rendre à sa fantasque escrime, à une déambulation au hasard m’a paru la plus sure des traversées de cette ruche virevoltante, haute en propositions des plus intéressantes et rencontres impromptues.
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Pascal Therme, le 21/11/2023
Reportage Paris Photo 2023