Olivier Brunet expose son "ADN de l'autre soi" comme un château dans le ciel
L’exposition livrée dans son vernissage au regard complice de l’Autre Soi, s’est révélée une sorte de passage de témoin entre une poétique de la sensibilité d’un regard haptique (L’haptique, du grec ἅπτομαι (haptomai) qui signifie « je touche » explore et exploite le sens du toucher ) et le relèvement de la photographie comme expérience de l’Être dans ses relations au « Mysterium », aux conversations secrètes avec le monde, de ce qui fait secrètement Identité profonde, quand ce qui est caché se révèle à soi, dans une pudique a-ttention et que le photographe ouvre au mystère de ce qui le fonde, le meut, l’adoube, cet Autre Soi, dans l’impermanente question de ce qui le dé-finit, vaste question que sa photographie pose dans l’espace et le temps de cette exposition, au fait de lui même et au faîte d’une mémoire issue de ses archives.
Frédéric Gournay écrivait en présentation de l’exposition OLIVIER BRUNET, ADN, L’AUTRE SOI: « A quoi rêvent les chevaux ? Existe-t-il des animaux guérisseurs ? Le passé bunkerisé se laisse-t-il engloutir ? Que cherchent les fils sous l’arbre du père ? L’Éden retrouvé est-il aussitôt perdu ? Un test ADN révèle un patrimoine génétique, son détenteur le parcourt à travers l’Europe en quête réelle, en recherche fantasmée de ses origines – primitives, historiques, culturelles et familiales. D’un traçage biologique, il ramène une cartographie émotionnelle dressée de béton échoué, d’oiseaux-plantes, d’arbres-tombeaux, de forêts-cathédrales, de temples-montagnes, d’enfants volant au-dessus des eaux, de condors plongeant dans la nuée. Témoignages ? Preuves ? Images saisies de mirages et de miracles, de métamorphoses et de grâces, autant d’épiphanies de paysages et de soi. Il ne faut pas se méprendre, ce n’est pas Olivier Brunet, simple nom d’une fiction subjective, qui a photographié la nature. C’est lui qui a consenti tout entier à se laisser regarder par elle. »
Cette exposition vivante, redonne à son visiteur, dans ses conclusions, l’occasion d’être en Paix et en soi, dans une continuité induite par le geste photographique et la quête, qui en est la source, dans son don; tout cela dans la plus élégante compagnie d’une Âme noble, ayant choisi de faire œuvre, pour (re)voir, entendre, lire ce qui s’est déposé des sels de sa vie, voir ici le bruissement de ce chemin de verdure, cette élévation de plongeur, ce petit garçon qui vole, joyeux, sur la dune enchantée, ces deux adolescents si sensuels dans le jeu, ce pissenlit dans un verre d’argent en déséquilibre, cet homme sous un genévrier centenaire, ce lotus emblématique, enfin ou presque cette ligne de vie qui court jusqu’à l’infini.
C’est une ligne de vie, image métaphorique, qui court dans les profondeurs des sous sols du Grand Paris, bétonnés, bruts de décoffrage, comme si l’instance poétique, toujours active, dialectique, projective, se nourrissait de toute expérience sensorielle pour aller au devant d’elle même, dé-couvrant analogiquement ce qui interroge, éblouit ce regard, toujours alerte, captivant, pour en extraire une poétique de la présence, un retour au monde, même lors de travaux de commandes.
On l’a compris ce voyage dans le temps connait une analogie avec la dé-marche proustienne dans ses allitérations consonantiques… La photographie d’Olivier Brunet n’est ni silencieuse, ni muette, elle ne cesse d’enregistrer la bande passante de ces infra-moments pour les restituer à qui sait entendre, voix, chant des oiseaux, vent, dialogues, rires, bruits de sabots, hululements, cris perçants de l’aigle, chant des sources, murmures des cascades. Ces consonances sont autant de stances secrètes qui s’invitent au panthéisme qui anime le génie éveillé du monde vivant autour de son déplacement.
Les tirages sont limpides, les encadrements superbes, tout semble à l’équilibre, au couvent des Dominicains, dans cet espace d’exposition en carré, éclairé par l’âme joyeuse et sédentaire d’une vraie photographie habitée, a-thématique, sensible, légère, vibrante, proposant ces voyages, le chant secret de ces images; I-Mages à la Mage-ie douce et éclairante… venues au cœur comme un baume de vigueur et de paix, dans une épiphanie.
Au fond, il y a quelque chose de très christique, de superbement solaire dans l’âme de ce voyage dans le temps, qui est, en même temps, voyage de la profondeur, traversée de la nuit, avènement de l’aube. » Au milieu du chemin de notre vie, Je me retrouvai dans une forêt obscure, car la voie droite était perdue… » Dante la Divine Comédie
Olivier Brunet, Adn, l’Autre Soi dit en creux tout le travail pré-existant à l’exposition, à une forme de voyage mémoriel, de ré-appropriation des moments fixés par sa photographie, oubliés puis re-découverts, chocs des affects, pertes d’êtres chers, accomplissements du don dans la ré-activation d’une mémoire vive positivée, comme si le voyage temporel a rebours avait permis de dépenser et de résoudre une partie des conflits anciens pour les transmuter en cet or du temps qui compose toute mémoire assagie et précieuse, ici, chant des étoiles, présences, château dans le ciel.
Il y a une libération en acte dans tout le travail préliminaire du choix, que cette exposition a imposé au photographe, souvent avec douleur. Il y avait cette nécessité de passer la forêt profonde et sa nuit, en suivant son étoile comme un mage, faisant longuement chemin, pour faire advenir cette paix intérieure dans la beauté de la lumière de cette mémoire visuelle, retrouvée, pacifiée, cordiale, accomplie par un travail d’ordre alchimique, photographie, à part entière, non pas qu’elle ne le fut pas avant ce passage de l’abîme, ce retour, mais qu’elle le devient après ce voyage de la terre, de l’ombre, de l’oubli, par le mouvement renouvelé de sa seconde naissance, essaimant par le cœur dans le don, son courage et sa détermination, tout un combat avec l’ange… Ne fallait-il pas com-prendre, c’est à dire prendre avec soi toute l’ambivalence de la vie passée dans ses moments pour , plus tard, les amener à leur résolution brute, pépite d’or débarrassées de leur gemme, pour retrouver leur origine première, les voir hors du voile de cette ombre du temps, dans leur être sonore et essentiel.
Une Fable s’ est écrite sur les murs de la galerie, elle fait écho, de loin en loin, à ce retour des abîmes et de la nuit, dans les festivités joviennes d’ un retour à l’enchantement dans une forme d’accomplissement.
Ce voyage photographique s’étend sur les 4 premières marches de la totalité du monde terrestre, minéral, végétal, animal, humain. Il s’ouvre sur une image d’un volcan, (Lanzarote) dans une terre fissurée, il se conclut par cette photographie d’une ligne de vie, issue des flancs du Grand Paris, au sein de la caverne primitive, devenue voie sous terre, fil d’Ariane; il se poursuit par le végétal, l’animal, puis l’humain et ses personnages, héros des quotidiens, soufflant le feu, jouant à chat, enfin le chemin du ciel s’ouvre grâce à l’aigle et à la chouette, au survol des monts bleus pour s’accomplir dans les nuages, « les nuages, les merveilleux nuages.. « (Baudelaire, l’Etranger)…
Par quelles évocations, par quelles images le photographe convoque-t-il les trois représentants du monde animal, images méditées puis rêvées : ici la chouette d’Athena, symbole de la philosophie, là, l’aigle, symbole de puissance, de liberté et de voyance, œil précis, puis ce cheval qui guérit, shaman, dans un prolongement qui placerait le regardant à son côté… dans sa radiance prodigue et son don (il soigne).
La légende reprend son droit en manifestant cet autre cheval blanc qui se dessine comme un double, au dessus de sa crinière, le cheval est lui aussi habité, guérisseur… tout est ici dialogues avec l’invisible, le sur-réel, voire ce qui nous dépasse et nous grandit…
Il fallait que nous l’acceptions, dans sa sincère extraction, dans sa plus grande nuance, dans son intégrité, pour que, nous aussi, pensions à cet ADN si vivant comme au principe d’une vérité vivante. Cette feuille blanche d’ortie, aperçue en revenant de chez Soulages, se détache des autres feuilles sombres, mobilise ou, ce cheval qui soigne, ou cet aigle encore qui survole les monts bleus, (de fait cette photographie peut être attachée au vol de l’aigle); un secret nu se révèle en tant qu’image par le miroir qui nous est confié, main complice tendant ce miroir pour garder, re-garder ce qui ne se voit pas, invisible, mais ce qui se discerne, se pressent, (pré-science) se devine (se divinise) ce qui se donne…. joyeux, dans son don. Il y a là, une mantique de l’amour voyant, clair-voyant en place d’une société de non-voyants aveugles aux forces qui la meuvent en profondeur.
L’exposition, dans ses chapitres, dans sa fonction modale, dans sa sonorité semble être un roman, dont ici les personnages a-(p)paraissent, circulent, vivent….Il s’agit de naître avec cet Autre Soi, parole imagée et secrète qui ne cessera de battre à travers le temps, à la condition que le regardant s’accorde dans sa liberté, la joie du partage et reçoive dans son émotion toute sa proposition « magique », du fait de s’accorder à cette harmonie visuelle et à ce qu’elle conte des voyages qu’elle introduit, dont cette « séduction » de l’Autre Soi, ce qui s’éveille, dans son propre chant, de l’inaccompli et de l’impermanence, comme au plein de ses beautés et de ses bonheurs….
Il y a là, somme toute, une sédimentation de ce qu’est la vie du photographe dans ce qui s’offre par l’image et par son évènement, ses résonances, un passage de témoin à son regardant, devenu, en une seconde son confident silencieux et aimable…. sans pour autant que celui-ci ne songe à le juger, mais plutôt à l’aimer, à le recevoir, à l’étreindre fraternellement.
Errances sacrificielles, coups de la vie faits de bruits et de fureurs, de souffrances et de joies, ont donné matière à cette photographie, devenue, dans l’inspir-ation, tamis, filtre de jeunesses, baume apaisant, clartés sur tant d’ombres, chant impérissable de l’aède, poème du temps retrouvé en sa frondeuse et aimable a-(t)tension, apaisements, shamanisme; le feu qui, hier, brûlait encore est, aujourd’hui, devenu radiant de l’œil et du regard qui touche, flèches d’or, pensées positives, accomplissements.
Il faut ici remercier l’Auteur de ses lumières qui éclairent la nuit de ce temps qui s’incurve. Grace à lui, la nuit est devenue plus douce, plus complice, plus lumineuse…alliée de celui qui voit par la vie le sens caché des épreuves et qui sait en tirer une philosophie de vie, qui avance sur ce chemin de sel, de ciel, en toute franchise, a celui-là, les portes du ciel se sont bien ouvertes, secrètement.
On ne saurait que le féliciter pour tant d »intelligence créative et le remercier pour ces rencontres faites d’amitiés et de songes, pour ce château dans le ciel, pour cette incroyable et noble attention, incitatrice a relever la nuit contre le jour pour lui même, également, pour nous tous.
Pascal Therme 27/11/2023.
Olivier Brunet- ADN, l’autre soi -> 7/12/2023
Couvent des Dominicains, La Fabrique du 222 rue du Fbg St Honoré du 13 Novembre au 7 Décembre 2023
Exposition ouverte tous les jours de 8 à 20h, en présence de l’artiste du jeudi au dimanche de 14h30 à 19h et sur rendez vous. Finissage le 30/11/2023, ce jeudi.
Olivier Brunet, né en 1964 en Touraine, est un photographe auteur français.
Il évolue actuellement dans les domaines de l’architecture et de la mutation des territoires du Grand Paris, et participe à l’exposition : Métro ! Le Grand Paris en mouvement à la cité de l’Architecture et du Patrimoine, jusqu’au 4 juin 2024.