L'absence de classement des voeux de l'étudiant dans Parcoursup est un moyen d'instaurer la sélection

Prenant prétexte d'une sélection par tirage au sort dans des filières en tension, le ministère de l'enseignement supérieur a remplacé la plateforme APB (admission post bac) par Parcoursup. Or, l'algorithme de Parcoursup, qui ne permet pas de classer les voeux par ordre de préférence, va mécaniquement favoriser la sélection. Petite démonstration ici.

Retour sur APB

Un fonctionnement simple

Avec l'ancienne plateforme (APB pour admission post-bac), chaque candidat formulait des demandes pour un certain nombre de formations et les classait par ordre de préférence. Il indiquait en premier la formation où il voulait en priorité être admis et en dernier celle qui le motivait le moins. Aucune sélection n'existait, du moins si le candidat postulait pour une formation non sélective et non sous tension.

Sur la base de ce premier vœu, il était sûr d'être accepté dans la filière correspondante. Les universités pouvaient donc recevoir des milliers de demandes pour seulement quelques centaines de places, mais ce n'était pas un problème, car la plupart de ces demandes n'étaient pas des premiers vœux.

Les universités connaissaient le nombre total d'élèves effectuant une demande pour telle ou telle formation et le nombre d'élèves ayant placé celle-ci comme premier vœu. Elles pouvaient donc se faire facilement une idée du nombre d'élèves souhaitant réellement intégrer la filière en question.

Bien sûr, il y avait déjà des formations sélectives, comme les IUT et DUT, et aussi les filières dites "sous tension", c'est-à-dire recevant beaucoup plus de demandes que de places disponibles (dans la plupart des facs il s'agissait de psycho et STAPS*)

Pour départager les élèves demandant ces filières, les universités avaient recours à un procédé inique : le tirage au sort. Mais les filières sous tension représentent moins de 10% des filières et comptent moins de 1% des étudiants, ce qui est assez peu.

Un problème de mathématiques appliqué

L'affectation des lycéens dans l'enseignement supérieur sur la base des voeux qu'ils ont formulés est un problème connu en mathématiques : celui des "mariages stables". Le problème est de faire correspondre 810 000 candidats et 13 200 formations. 

Entre 2009 et 2017, le service APB chargé d'affecter les bacheliers fonctionnait sur la base de l'algorithme de Gale et Shapley, reconnu comme le meilleur algorithme d'affectation. Le problème à résoudre était de pouvoir attribuer une place, la plus proche de ses souhaits, à chacun des milliers de lycéens souhaitant s'inscrire dans l'enseignement supérieur. La plateforme APB réalisait plutôt bien la tâche qu'on lui avait attribué avec un vœu proposé à 80,6% des candidats dès le premier tour en 2016.

Chaque candidat pouvait entrer sur le site d'APB jusqu'à 24 candidatures, dont douze pour la même formation. Le fonctionnement de l'algorithme d'APB respectait certaines règles. Par exemple, le classement donnait la priorité aux candidats de l'académie dans laquelle se situe le siège de l'établissement proposant la formation. Ensuite, l'algorithme prenait en compte le rang de classement du vœu pour une licence.  Par exemple, si le vœu de licence STAPS à l'université Paris-Descartes est votre premier vœu, vous êtes classé avant le candidat qui n'en a fait que son deuxième vœu. Enfin, pour départager les candidats trop nombreux, l'algorithme tient compte du classement de vos différents vœux de licence. Violaine a formulé en premier un voeu pour une classe préparatoire aux grandes écoles, puis en deuxième voeu pour une licence d'histoire à l'université X. Comme ce deuxième vœu absolu est aussi son premier vœu de licence, elle sera prioritaire sur le candidat qui a également mis cette formation en deuxième vœu mais qui aura mis en premier vœu une autre licence dans sa liste hiérarchisée.

Avec Parcoursup

L'absence de hiérarchisation des voeux va conduire à ce que toutes les filières soient sous tension

Macron a pris l'exemple du tirage au sort en 2017 pour dire "vous voyez, c'est injuste" sans préciser que le problème ne concernait que très peu de filières. Et malin comme il est, au lieu de donner plus de moyens à ces filières sous tension, il a mis en place Parcoursup.

Avec Parcoursup, les voeux n'étant pas classés par ordre de préférence par les lycéens, les universités ne peuvent donc pas savoir qui veut vraiment faire la formation demandée et qui a juste postulé à cette dernière au cas où ses autres vœux n'aboutiraient pas.

Les universités se retrouvent donc avec un nombre de candidats largement supérieur au nombre de place. Et c'est là qu'intervient la sélection sur dossier. Inévitable puisque 810 00 lycéens ont rempli des vœux pour 13 200 formations.

Voilà comment, par un astucieux tour de passe-passe, on fait croire que toutes les filières sont sous tension, afin de justifier la mise en place d'une sélection à l'entrée de l'Université, alors que celle-ci n'est ni juste ni nécessaire.

Les problèmes inhérents à Parcoursup

Le candidat ne classe plus ses voeux. Il formule ses motivations en 1500 signes et joint un CV. Ces documents ne seront pas lus pour cause de manque flagrant de ressources et de temps dans la plupart des établissements d'enseignement supérieur.

En complément de l'algorithme national de Parcoursup, les établissements d'enseignement supérieur sont dotés d'outils de classement des candidats spécifiques à chacun, sans qu'on puisse connaître les critères retenus.

Les résultats seront communiqués le 22 mai en bloc et les ajustements se feront au fil de l'eau jusqu'au 5 septembre.

Premier problème dans Parcoursup, il est fort probable qu'un candidat en tête d'un classement réalisé par une institution d'enseignement supérieur le soit également dans les classements de toutes les autres institutions dans lesquelles il aura déposé des vœux. En effet, si le candidat a obtenu des bonnes notes dans toutes les matières, il sera dans le peloton de tête quelle que soit la pondération choisie.

Le jour ou les candidats recevront leurs réponses, une petite élite scolaire "trustera" donc la quasi totalité des places dans toutes les filières. Les autres attendront leur tour lors des multiples rounds qui suivront.

Des risques de surbooking

De nombreuses formations universitaires reçoivent chaque année plus de candidatures qu'elles n'ont de place à offrir, mais savent qu'une partie de ces candidats vont se désister parce qu'ils seront admis dans une formation ou un établissement plus coté ou qui a leur préférence. Le problème était en partie résolu par APB dès le premier tour. Les vœux n'étant plus classés, ce ne sera pas le cas avec Parcoursup.

Pour être certains de remplir les places disponibles dans les formations, les établissements risquent donc de pratiquer le surbooking. Cette pratique est bien connue des compagnies aériennes, qui vendent plus de billets qu'il n'y a de sièges sur les vols, car elle savent que statistiquement un certain nombre de voyageurs se désistent au dernier moment.

Selon une fiche du ministère conçue pour répondre aux interrogations des responsables universitaires, "toutes les formations sélectives et non sélectives ont défini pour chaque formation une capacité d’accueil qu’elles ont saisie lors du paramétrage des formations". Sur la base de cette capacité d'accueil, chaque formation fixe un nombre de candidats à appeler, jusqu'au rang du dernier appelé. Ce nombre, explique le ministère, correspond au nombre de places augmenté d’un éventuel taux de surréservation (surbooking) permettant notamment de se prémunir d’un certain nombre de candidats qui déclinent la proposition de cette formation. Le document précise que le chef d’établissement peut décider d’appliquer un taux de surréservation, qui est plafonné à 20% maximum pour toutes les formations".  En ajoutant même que "Le président d’université (Licences et DUT) ou le recteur pourra également, sur justification du responsable de la formation, déroger à ce plafond dans la limite de 50%" - ce qui commence à faire beaucoup !

Exemple donné par le ministère : 

Si la capacité d’accueil d’une formation est de 100 places et si le nombre de candidats à appeler est fixé dès le 22 mai à 115, la plateforme Parcoursup proposera la formation à 115 candidats. En fonction des réponses des candidats intervenues dans la journée, la plateforme Parcoursup, le lendemain, proposera la formation aux candidats suivants jusqu’à concurrence de 115 propositions faites au total. Ainsi, sauf modification du nombre de candidats à appeler par la formation, il y aura tous les jours jusqu’à 115 propositions faites au global.

La même formation, qui a des capacités d’accueil de 100 places, et dont le nombre de candidats à appeler a été défini à 115, peut, au regard du rang du dernier appelé des campagnes précédentes, fixer le rang du dernier appelé à 600 ; ce qui veut dire que le 22 mai 600 candidats recevront une proposition. Lorsque le nombre de candidats qui n’auront pas décliné la proposition descendra en dessous du nombre de candidats à appeler (115), alors la plateforme Parcoursup se basera sur le nombre de candidats à appeler pour faire de nouvelles propositions. La fixation d’un nombre de candidats à appeler est donc toujours nécessaire même dans le cas où le pilotage du processus d’admission se fait sur la base du rang du dernier appelé. Si, le 26 juin, la formation ne totalise que 110 candidats l’ayant acceptée, la plateforme Parcoursup fera une proposition à 5 nouveaux candidats (jusqu’à concurrence donc des 115 candidats à appeler).

Les risques

Le risque de ce surbooking encouragé par le ministère de l'enseignement supérieur est que, dans certaines formations non sélectives, le nombre de candidats qui accepteront la proposition qui leur est faite soit bien supérieur à la capacité d'accueil. Or, le ministère l'a promis, "tous les candidats appelés par une formation, et qui accepteront cette proposition, seront réputés admis et accueillis par la formation concernée". Dans l'exemple précédent, pour une formation ayant appelé 600 candidats pour une capacité maximale de 115 places, que faire si finalement 300 d'entre deux acceptent la proposition d'intégrer la formation en question ? Le ministère ne donne pas la réponse. Il semble plutôt tabler sur un ajustement au jour le jour en espérant que le nombre de candidats et celui des places de formation finisse par correspondre. 

Tous les jours à partir du 22 mai, et "en fonction des réponses des candidats à qui la formation sera proposée, des places seront libérées et proposées le jour suivant aux candidats suivants dans le classement, toujours dans le respect des taux fixés par le recteur." Il faudra donc que les postulants classés en liste d'attente aient les nerfs solides. Après le tirage au sort par manque de moyens accordés à l'enseignement supérieur sous prétexte d'un défaut lié à APB, voici venir bientôt l'ensemble des filières en tension pour faire passer la pilule amère d'une sélection qui cette fois-ci cessera d'avancer masquée. 

Véronique Valentino avec la Coordination des étudiants de Bordeaux et Ipochocho sur Twitter

Cet article a été rédigé sur la base de deux threads parus sur Twitter. Celui de la coordination des étudiants de Bordeaux qu'on peut consulter ici et celui de Ipochocho acessible .

Calendrier de Parcoursup

22 mai au 5 septembre 2018 inclus
Accès aux décisions des établissements de formation
Réponse aux propositions d’admission
Attention : suspension des propositions d’admission pendant la durée des épreuves écrites du baccalauréat

26 juin 2018
Ouverture de la phase complémentaire

Eté 2018
Inscription administrative dans la formation