Ces hashtags anti-blocage des facs noyautés par les macronistes

La police a évacué les étudiants qui occupaient Tolbiac ce matin à 5 heures. Il y avait eu quelques signes avant-coureurs avec les déclarations de Gérard Collomb promettant de rétablir l'ordre partout. Mais aussi la mise en avant par un certain nombre de médias des étudiants opposés au blocage de leur fac. Sauf que ces groupes, pétitions et hashtags sur twitter sont encore peu nombreux, quand ils ne sont pas purement et simplement noyautés par les Jeunes avec Macron et même par l'extrême droite.

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Est-ce un pur hasard si avant l'expulsion des étudiants qui occupaient Paris-I et se réclamaient d'une commune libre de Tolbiac, ils avaient tenté de faire parler d'eux ? Eux, ce sont les étudiants mobilisés contre les blocus des universités. #jeveuxetudier, #MaFacMonAvenir, #RendsLaFac, #antiblocus voire même #balancetonbloqueur, les hashtags hostiles au mouvement étudiant se sont multipliés. Peu visibles dans les AG des universités en grève, ils tentent de faire entendre leur voix sur Internet. Depuis quelques jours, une poignée de médias leur ont consacré des articles. Le Monde, la Croix, BFM, le Figaro, notamment, mais aussi le JT de France 2 hier soir. Ils créent des groupes sur Facebook, des hashtags sur twitter, lancent des pétitions sur Internet et contactent même les médias. Mais que recouvre exactement ce mouvement anti-blocage ?

Sur twitter, le hashtag #JeVeuxEtudier n'est pourtant pas si populaire qu'on pourrait le penser à la suite de la lecture de certains médias. Il ne rassemble pour l'instant qu'une trentaine de tweets, dont tous ne sont d'ailleurs pas favorables à la loi ORE. Le premier, daté du 9 avril, émane d'un certain Rami Youssef, qui se présente comme étudiant-député du Front national. Le dernier tweet date du 13 avril, ce qui montre qu'il ne suscite pas franchement l'enthousiasme. Sous le hashtag #JeVeuxEtudier, on trouve effectivement des étudiants, des profs, mais la plupart de ceux qui postent n'ont pour la plupart qu'un rapport assez lointain avec l'univers étudiant ou sont franchement proches de la République en marche. 

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Un certain "avocat en droit public", qui dénonce l'absence d'un vrai service minimum réel à la SNCF est aussi auteur à Causeur, le magazine d'Elisabeth Levy qui appartient à une droite pour le moins décomplexée. On trouve aussi de nombreux thuriféraires de Macron, comme cette ex-enseignante et auteure jeunesse qui avoue une sensibilité LREM (le parti présidentiel), une collaboratrice parlementaire également sous les couleurs du parti présidentiel, une retraitée militaire devenue naturopathe, mais aussi des sympathisants du FN ou d'autres groupuscules d'extrême droite. Comme Pierre Vial, poids lourd de l'extrême droite suprémaciste, qui se présente comme simple "pharmacien retraité", sans susciter la moindre réaction. Lequel retwitte une pétition de Force républicaine, mouvement fondé par Bruno Retailleau pour le rétablissement de l'autorité de l'Etat face à "la chienlit". On découvre à la lecture de certains comptes un salmigondis idéologique indigeste, avec des twitttos qui s'affirment "de gauche patriote LREM" ou qui se déclarent contre les blocages tout en dénonçant Macron, président des riches et l'autisme de Elisabeth Borne, la ministre des transports.

Calme encore plus absolu sous le hastag #BalanceTonBloqueur, dont la quasi totalité des messages émane du compte twitter du même nom. D'autres hashtags sont plus utilisés. C'est le cas de #RendsLaFac. Lancé en février par un étudiant de Montpellier, il n'a pas pris tout de suite. Jusqu'à ce qu'il soit repris le 4 avril par @TeamMacron, qui semble l'animer depuis avec différents autres comptes collectifs pro-présidentiels comme @MacronDesintox, En marche Boulogne !, En marche Clamart, @JeunesMacron06, @JeunesMacron59, etc. A partir du 4 avril, de nombreux comptes de personnes affichant leur appartenance ou leur proximité avec les "Jeunes avec Macron" vont s'appliquer à faire monter la mayonnaise sous ce hashtag qui prend mieux que le très sage #JeVeuxEtudier. Tous ces comptes pro-Macron vont alors retweeter les très rares messages émanant de vrais étudiants déroutés par les grèves et les blocages et les articles de presse ou infos qui . Au final, si on enlève les comptes rattachés à LREM ou d'autres forces politiques (LR, Constructifs), il reste à peine une poignée d'étudiants.

Même chose avec #MaFacMonAvenir. Lancé le 10 avril par un certain Anto qui ne cache pas son enthousiasme pour Macron et son allergie aux grèves, il a depuis marché plutôt bien jusqu'au 10 avril dernier, date du dernier tweet posté sous ce mot d'ordre. On y retrouve la même proportion écrasante de macronistes (les Jeunes avec Macron ou JAM), y compris la référente des Jeunes avec Macron de Paris 8, le référent universitaire pour les Alpes maritimes, la référente régionale pour l'Ile-de-France et même leur grand chef, Martin Bohmert. Le compte @JeveuxetudierSU, qui se présente comme le "mouvement apolitique ayant pour but de mettre fin au blocus actuellement en cours sur le campus Clignancourt de la Faculté des lettres de Sorbonne Université", compte à peine 78 abonnés sur twitter et n'a twitté que 10 fois depuis le 9 avril, date de sa création. Celui dont nous avons déjà parlé, Balance don bloqueur n'est suivi que par deux personnes...

Le hashtag le moins trustée par les fans de Macron est encore le très direct #antiblocus, qui a déjà servi lors de précédents mouvements étudiants ou lycéens. Là encore le succès est très relatif. Sur une trentaine de tweets dont les plus anciens remontent à 2013, à peine une quinzaine ont été postés en lien avec le mouvement étudiant actuel. A côté, le compte twitter Blocus Bloque ta fac est suivi par plus de 1265 twittos.

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Les pétitions ne font pas mieux. Celle contre le blocus de l'université Paris VIII a recueilli moins d'un millier de signatures. Idem pour celle contre le blocage de Paris-III. Un peu moins de 1700 signatures pour celle contre le blocage de l'université de Nantes, relayé par le site d'extrême droite Breizh info. Celle d'une partie de la communauté universitaire de l'Université Jean Jaurès de Toulouse, adressée à Frédérique Vidal, et titrée "l'UT2J ne mérite pas ça" a été signée par un peu plus de 2700 personnes. Une autre, toujours contre le blocage de l'université de Toulouse, compte 1500 signatures. Elle a été suivie d'une contre-pétition des personnels et étudiants montpelliérains mobilisés contre la loi Vidal, qui dénoncent un appel à demi mots à l'intervention de la police. Cette contre-pétition a de son côté été signée par plus de 2300 personnes. Il est donc là encore difficile de présenter ces initiatives des anti-blocus comme l'expression d'une écrasante majorité silencieuse des étudiants. 

Et ce n'est pas vraiment mieux sur Facebook. Les divers groupes s'affichant contre les blocus ne regroupent généralement que quelques dizaines de membres. Certains ont été visiblement créés sous l'effet de la colère comme le groupe "Contre les blocus à répétition ! FLSH. Depuis sa création il y a deux semaines, il n'affiche que 86 membres au compteur. Celui des anti-blocus de Paris 1 ? 36 membres seulement. Les plus populaires sont le groupe national "les contre blocus" qui compte plus de 600 membres, dont une forte proportion d'étudiants à Paris III (Sorbonne nouvelle), alors qu'il n'a été créé qu'il y a une semaine. 

Mais le plus actif est celui de "Rennes 2 contre le blocage permanent". Ses membres sont des étudiants, mais aussi des lycéens et même quelques collégiens. Créé également il y a deux semaines, il s'en tire beaucoup mieux avec plus de 1600 personnes et 60 nouvelles publications pour la seule journée du 19 avril. C'est certes beaucoup, mais Rennes 2 accueillait 21 632 étudiants au 1er janvier 2018, selon les chiffres fournis par l'université. Et plusieurs milliers d'étudiants ont voté le blocage de la fac, dont le président s'affirme par ailleurs opposé à la sélection. Les autres groupes Facebook anti-blocus remontent à Mathusalem.

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Reste le groupe Facebook créé sous le hashtag #JeVeuxEtudier, par Antoine Paulet, qui a connu son heure de gloire au JT de France 2 hier soir.  C'est le groupe le plus dynamique, puisqu'après l'interview de Antoine Paulet, il a gagné plusieurs dizaines de membres, pour finalement dépasser le millier. Dans sa profession de foi, le groupe affirme être apolitique et assure qu'il ne cherche pas à attiser la colère contre les "bloqueurs". Ses membres se démènent pour contacter journalistes et politiques pour faire parler de leur action.

On apprend ainsi sur la page d'accueil, que Antoine Paulet et Anaïs Fiaut ont rencontré pendant près d'une heure la ministre Frédérique Vidal. Un entretien dont l'étudiant, qui se dit pourtant opposé à la réforme, est ressorti déçu. "J'ai demandé des actions, des soutiens d'en haut mais c'est du ressort de l'administration des universités, pas du ministère, et on sait que l'administration est déjà frileuse". Quelles sont ces demandes d'actions et de soutien ? Une intervention policière ?

Un autre des membres du groupe, Jim Sermeth, a pris la parole lors de l'émission l'heure des pros, sur CNews, dans un débat sur l'occupation des universités, en plus de l'interview déjà citée de Paulet sur France 2, qui a aussi répondu à des questions de l'AFP. Certains étudiants se renseignent sur les modalités d'organisation des partiels. Dans les commentaires, la discussion s'engage. Une étudiante de Montpellier explique que dans son université les examens ont été organisés sur Internet et que "tout le monde triche". "Ca ferait des examens en chocolat", conclut un étudiant rassuré. Dans ce groupe Facebook, tous ne sont pas favorables au blocage et le dialogue se noue parfois entre pro et anti blocus. 

Ce qui laisse bien plus perplexe, ce sont des publications tirées de sites d'extrême droite. L'une, de l'Action française, groupe royaliste et catholique qui refait parler de lui depuis quelques années. Qui voit même intervenir Maxime Duvauchelle, fondateur de la cocarde étudiante, un syndicat étudiant nationaliste. Celui-ci entend rassembler des Républicains, à Debout la France, le mouvement de Dupont Aignan et le FN. Toujours dans les publications du groupe #JeVeuxEtudier, on trouve un mème constitué d'une image tirée de Asterix. On y voit Paris II encerclée par les tentes romaines de Paris-I, Sciences Po, Paris IV et Nanterre. Avec ce commentaire : "alors que les Sarouels ont conquis Lutèce, une Université résiste encore et toujours à l'envahisseur".

Ce mème provient de la page Facebook de la Pravd'Assas, une publication Internet qui finalement ne fait que refléter l'état d'esprit de cette université spécialisée dans le droit où régnait le GUD dans les années 1970. Une partie de l'extrême droite s'y fait plus discrète, plus présentable et mainstream pour tisser ouvertement des liens avec la droite classique. Au sommaire de la Pravd'Assas, un article sur le "féminazisme", mais aussi une série titrée "la Pravd'Assas à la rencontre de l'extrême droite", qui tente "d’aller au-delà des clichés et du mépris pour les opinions marginalisées". Son auteur interviewe d'abord un étudiant se qualifiant lui-même de "national-conservateur autoritaro-protectionniste", puis donne la parole à un intégriste chrétien revendiqué.

S'il est intéressant de scruter ces interventions de l'extrême droite dans le débat qui oppose pro et anti blocus, c'est parce que depuis le début de la contestation étudiante, plusieurs sites scolaires ont été attaqués par des groupes d'extrême droite. On se rappelle de ces images terribles de l'attaque des étudiants occupant l'université Paul Valéry de Montpellier par un commando casqué et armé de planches, parmi lequel figurait un professeur et appuyé par le doyen de la fac de droit, révoqué depuis. Mais il y a eu aussi Lille, Strasbourg, Tolbiac, le lycée autogéré. Des attaques qui témoignent d'un regain d'activité de ces groupes de nervis, mais qui montrent, par contraste, aussi tout l'enjeu des mobilisations étudiantes contre la sélection.

Véronique Valentino

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